††† (que nous appellerons Crosses pour des raisons évidentes) a publié en 2014 un album éponyme qui mettait en valeur un rock sombre de type dark wave mâtiné de pop et d'électronique, mais non dépourvu de quelques longueurs et tics stylistiques. Alors que l'instigateur de ce projet, Chino Moreno, chanteur de Deftones, avait prévu que ce premier opus ne serait qu'un one-shot (malgré quelques EP publiés par-ci par-là), il s'est rétracté en annonçant vouloir dépoussiérer ce projet pour lui offrir un successeur. Le titre de ce nouveau venu évoque un programme clair et précis : "Goodnight, God Bless, I Love U, .''
Pour l'occasion, Chino Moreno a retrouvé son partenaire Shaun Lopez à la basse mais Scott Chuck ''Doom'' n'a pas souhaité poursuivre. Qu'à cela ne tienne, les deux croix restantes se sont attaché les services d'invités prestigieux dont Nate Donmoyer (KUMO 99), le rappeur El-P (à ne pas confondre avec un célèbre groupe de rock progressif) et surtout Robert Smith dont nous reparlerons plus bas.
L'éclectisme caractérise le travail de Moreno et de son compère Lopez. L'album s'inscrit tout de suite dans la continuité du premier album éponyme. Crosses exploite une veine dark wave mais sans rejeter aucune influence extérieure. Car malgré ses nuages noirs ('Pleasure' et ses beats electro, 'Invisible Hand' aux lignes de clavier aussi inquiétantes que stridentes, 'Ghost Ride' dégoulinant de fiel...), la tonalité générale de l'album se révèle plus aérienne. 'Light As A Feather', avec son motif répétitif mais aucunement lassant, a tout d'un mid-tempo ensoleillé. C'est sur 'Girls Float, Boys Cry' que le leader de The Cure vient faire entendre sa voix. Le
résultat sur ce titre, véritable clin d’œil à un célèbre tube du groupe anglais, est efficace et les voix des deux interprètes se marient assez
bien. Contre toute attente, la rage des deux chanteurs sur 'Big Youth' en duo avec le rappeur El-P ajoute un degré supplémentaire de tension à un morceau déjà tourmenté et se révèle également une réussite.
Le chant de Chino Moreno est un des atouts magnétiques de ce disque : son chant clair appuie sur un aspect shoegaze cajoleur. Sur les ballades 'Runner' ou 'Last Rites', il semble se placer au plus près de l'oreille de l'auditeur pour partager un moment (consenti) d'intimité. Cependant, sa voix tend parfois à afficher un certain maniérisme qui, en plus d'agacer, rend son interprétation artificielle (c'était déjà l'un des points négatifs du précédent opus) et curieusement monotone.
Retour inespéré mais réussi pour Crosses qui signe après neuf ans d'attente son deuxième album. Avec ses rythmiques lourdes et sa dimension sombre, le chemin tracé nous conduit paradoxalement vers les étoiles. Malgré quelques longueurs et quelques couacs, il s'agit d'un album à écouter dans le noir pour extérioriser ses tourments.