Si les chats ont neuf vies, la question se pose de savoir combien en possède Brian Setzer. En 44 ans de carrière, la légende de la Gretsch a sorti neuf albums avec les Stray Cats, onze avec son Brian Setzer Orchestra et il se présente aujourd’hui avec son treizième opus solo. De plus, cet inventaire ne prend en compte que les parutions studios de l’icône du rockabilly sans recenser les live ni les interventions aux côtés d’artistes aussi variés que Johnny Winter, Jimmy Barnes ou Twisted Sister. Autant dire que lorsque le chanteur-guitariste s’excuse presque d’avoir pris une pause entre ses deux dernières parutions discographiques, il y a de quoi sourire puisque "Gotta Have The Rumble" ne date que de 2021. Il est donc temps de se pencher sur ce "The Devil Always Collects" afin de constater si cette césure a eu des effets sur l’incontournable identité du blondinet.
Heureusement pour tous les amateurs, la patte du bonhomme est reconnaissable dès l’imparable ‘Rock Boys Rock’ avec sa batterie ferroviaire et sautillante s’appuyant essentiellement sur la caisse claire et son refrain interprété par des chœurs féminins pour s’ancrer dans les neurones en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. C’est ça Brian Setzer, de la bonne humeur contagieuse, une énergie positive, un son venu des années 50 avec une production moderne. Et puis il y a le toucher inimitable du félin sur sa guitare qui dégaine des soli éblouissants et pourtant toujours au service des titres auxquels ils appartiennent. Si le besoin d’un antidépresseur se fait sentir, écoutez plutôt ‘What’ll It Be Baby Doll ?’ ou ‘A Dude’ll Do (What A Dude’ll Do)’. L’effet sera tout aussi bénéfique et les effets secondaires seront meilleurs pour votre organisme.
Au milieu de pièces dont le classicisme n’altère jamais une efficacité sans faille, quelques surprises se glissent. En particulier un ‘Black Leather Jacket’ qui s’engage sur des chemins plus rock 70’s pour conter l’histoire du premier blouson en cuir de l’artiste dans des nuages de poussières soulevés par un riff simple, direct et efficace, taillé pour les highways. Mais même en s’éloignant de son style de prédilection, le matou réussit toujours à garder une cohérence à ses opus grâce une patte qui a forgé sa légende. Il peut passer d’un intense ‘The Devil Always Collects’ dont les claquements de la contrebasse renvoient aux heures du premier éponyme des Stray Cats à un ‘The Living Dead’ crooner et chaloupé, en passant par la reprise de ‘Girl On The Billboard’ avec ses accents countrysants, mais cela reste toujours du Brian Setzer pur jus, aussi charmeur qu’euphorisant.
Il ne faudra donc pas chercher de révolution esthétique dans "The Devil Always Collects", mais ce n’est pas ce que l’on demande à un tel artiste à l’identité si forte. Un album de Brian Setzer, c’est avant tout une bouffée d’air frais, de bonne humeur et d’émotions positives. En cette période rude et troublée, des œuvres aussi talentueuses et intègres sont des dons du ciel dont il serait une erreur de se priver.