Peu d’artistes peuvent se targuer de jouer de leur instrument depuis plus de 60 ans et d'avoir encore assez d’inspiration pour continuer de sortir de nouveaux albums après une vingtaine d’albums solo, une dizaine de live et 8 autres avec Procol Harum. À quelques semaines de souffler ses 79 bougies, la légende du blues Robin Trower a peut-être des rhumatismes lui annonçant les changements de temps, mais sa dextérité à la guitare a remarquablement résisté à l'épreuve du temps.
Qu’un artiste tel que Stevie Ray Vaughan affirme que votre jeu a inspiré le sien force le respect, mais c’est surtout sa longévité qui est impressionnante. En 2022, Robin Trower avait sorti un album intitulé "No More World to Conquer", pas complètement dénué de sens compte tenu de l’expérience du bluesman. Cela sentait vaguement la fin de carrière, mais c’était mal connaître l’artiste et son insatiable amour pour la musique et le blues en particulier.
Robin Trower revient donc en 2023 avec un nouvel album, intitulé "Joyful Sky", qui peut glacer le sang des plus paranos, l’apparentant à l’espace de « vie » d’où l'on a peu de chances de revenir. Bienvenue dans le monde du blues où l’optimisme n’est pas le maître mot. Ce n'est pas pour rien que le terme est d’ailleurs associé à ce sentiment cafardeux plus ou moins familier selon chacun. On notera toutefois le bel oxymore en employant le terme « Joyful » dans une musique exprimant son contraire. Pour aider à valoriser ses idées, Robin Trower a fait appel aux talents de la chanteuse de blues rock, Sari Schorr, qui aux dires du guitariste, était la personne idéale pour mettre en mots sa musique. Le partenariat fonctionne indéniablement, donnant l'impression que la formation existe depuis toujours.
Maintenant, est-ce une prouesse de faire fonctionner une recette de blues ? Les puristes et fans de Trower diront que oui, seulement la prise de risque étant minimale, les chances de glisser étaient limitées. Le blues, de par sa structure idiosyncratique, est répétitif. Est-ce un mal ? Non, mais la probabilité d’être surpris avec le genre est faible. Robin Trower n’y est pour rien, le blues est ainsi fait, prévisible.
Si l'on rentre dans l’album dès les premières notes, alors les 10 morceaux passeront comme une lettre à la poste. Mais si la voix de Sari vous incommode, alors passez votre chemin, car en dépit de la beauté de son organe et sa généreuse tessiture, ses couplets et refrains sont malheureusement assez monotones au fil de l’album. Ne sachant pas si Robin Trower continuera de sévir encore de nombreuses années, "Joyful Sky" reste un album à découvrir sans pour autant être indispensable.