Quitte à jouer de la fusion, autant y aller à fond. Voilà, en résumé, la première impression que laisse l’écoute de “Heterostasis”, deuxième album de Path Of Ilya. Mais attention, il ne s’agit pas ici d’une simple fusion entre deux styles différents, mais bien entre 3, 4, 5 styles sans aucun rapport entre eux, si ce n’est le talent des musiciens pour les intégrer au sein de morceaux bien composés et jouant sans cesse sur l’effet de surprise. Est-ce un tour de force ? Oui, sans aucun doute. Est-ce toujours réussi ? Non, mais ça n’a aucune importance, car la mission du trio français est de faire changer d’avis ceux pour qui les albums instrumentaux sont d’un ennui mortel. Si ces derniers ne succombent pas au charme du mariage improbable entre zouk, metal prog et musique celtique de ‘Mambaroux’, c’est à désespérer les artistes de parier sur l’originalité.
En matière d’originalité, “Heterostasis” se pose là. Empruntant à une multitude de courants musicaux : funk et jazz fusion (‘Kleptocratic Joe’), musique indienne et metal prog (‘Palitana Sarando’), blues, stoner et jazz (‘The Stoned, The Stoner And The Stonest’), flamenco et reggae (‘Saltimbancos D’Amareleja’), hip hop et musique electro (‘Sporos’), Path Of Ilya maintient sans cesse l’intérêt pour ses compositions bigarrées et n’est pas sans rappeler l’esprit d’un Mörglbl, avec moins d’humour mais encore plus de folie créatrice. D’ailleurs, n’espérez pas pouvoir faire autre chose en écoutant cet album aussi surprenant qu’enthousiasmant, c’est tout bonnement impossible, à moins d’être naturellement schizophrène.
Alors bien sûr, le plus gros danger d’une musique aussi exigeante est de partir dans tous les sens et de perdre l’auditeur en route. C’est d’ailleurs en évitant cet écueil de la démonstration stérile que Path Of Ilya impressionne le plus. Pour ça, le groupe dispose d’une arme redoutable : l’extraordinaire technique de ses musiciens. Entre les solos brillants de Jean-Joseph Bondier, parfois inspirés de Steve Vai (‘Kleptocratic Joe’), le groove impressionnant d'André Marques à la basse et le travail rythmique dantesque de Bruno Chabert à la batterie (que l’on soupçonne d’avoir beaucoup écouté Gavin Harrison), les Auvergnats prouvent une fois de plus que la scène musicale française regorge de talents trop souvent cachés.
“Heterostasis” est un excellent album de prog fusion, original, bien composé et toujours surprenant. Si vous êtes amateur de musique instrumentale intelligente et aventureuse, donnez-lui sa chance. Votre curiosité sera récompensée au centuple.