ABDUCTION: Toutes Blessent, La Dernière Tue (BLACK METAL) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Abduction est un groupe qui cultive depuis toujours ses différences au sein de la chapelle black metal à l’intérieur de laquelle il paraît bien à l’étroit. On lui colle l’étiquette black death mais sa partition n’hésite pas à se parer d’oripeaux atmosphériques voire progressifs. Enraciné dans le terroir du passé, son art se nourrit davantage de l’histoire que du folklore. Ses compositions arborent une architecture épique, ce qui ne les exonère pourtant pas d’une noirceur tumultueuse. Quant aux pochettes, elles tranchent par rapport aux canons du genre, utilisant des peintures des XVIIIème ou XIXème siècles.

Pour toutes ces raisons, les Français occupent une place à part, ce qui ne peut leur être reproché, bien au contraire. Le soin qu’ils apportent à chacune de leurs offrandes, conçue à la façon d‘une toile de maître où chaque détail revêt une grande importance, tant dans la forme que dans le fond, participe en outre d’une belle exigence qui trouve peut-être sa plus évidente illustration avec "Toutes Blessent, la Dernière Tue". Encore une fois, le groupe ne se moque pas de ses admirateurs. L’œuvre sort en plusieurs éditions luxueuses, un clip a été réalisé, magnifique et rappelant le cinéma de Marcel Carné et pour lequel une affiche a été dessinée par Thimotée Montaigne et Clara Teissier. L’indispensable Déhà est derrière la console, assurant un fourreau sonore à la fois pur et authentique.

Plus important encore, les compositions témoignent comme toujours d’un immense travail d’écriture. De cet ensemble massif se détache d’emblée l’audacieuse cover du ‘Allan’ de Mylène Farmer, aussi surprenante que réussie et qui s’inscrit très naturellement dans le style et dans l’identité du groupe. Avec beaucoup d’intelligence, celui-ci s’en est emparé, a fait sien ce titre dont il donne l’impression qu’il en est l’auteur. A n’en pas douter, cette reprise fera date. Nous aurions toutefois tort de résumer le successeur de "Jehanne" à cette relecture aussi mémorable soit-elle.

Les huit pièces d’orfèvre qui la précèdent doivent tout autant être louées. Musicalement, elles impressionnent par la richesse qui travaille et bâtit chacune d’entre elles. Torrentielles à l’image de ‘La Galerie des Glaces’, ces chansons prennent le temps de respirer, de poser des atmosphères sombrement romantiques, accueillant un violoncelle sur le superbe ‘Cent Ans Comptés’, vibrant d’un désespoir séculaire le temps de l’instrumental ‘Par les Sentiers Oubliés’.

‘Carnets sur Récif’ qui lui succède synthétise toutes les qualités d’Abduction, où les rouleaux de batterie se fracassent contre des falaises érodées par de dramatiques arpèges. Ecorché ou fragile et rappelant alors le registre mélancolique de Fursy Teyssier (Les Discrets), le chant de François Blanc agit comme une vigie, à la fois poétique et douloureuse, le sang du passé qui le poisse, le fer des guerres qui coule dans sa puissance théâtrale. Inspirés de l’histoire, les textes peuvent être interprétés à l’aune du présent que des tentations autoritaires font plus que menacer par des histrions politiques ivres de pouvoir.

"Toutes Blessent, la Dernière Tue" est un album qui brille de mille feux confirmant qu’Abduction est un groupe décidément atypique par sa qualité et son identité, esthète d'un black metal romantique, sensible mais jamais misérable ou larmoyant.

ABDUCTION

TOUTES BLESSENT, LA DERNIÈRE TUE

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BLACK METAL