Joy/Disaster n'est pas un perdreau de l'année. Tout comme son collègue Kas Product avec lequel il partage quelques points communs, le groupe est originaire de Meurthe-et-Moselle et a déjà enregistré 8 albums studio entre 2005 et 2021. Ce besoin de publier sur une cadence effrénée ne s'est heureusement pas tarie et 2023 marque la sortie d'un neuvième opus intitulé "Hypnagogia".
L'hypnagogie caractérise un instant intermédiaire entre la veille et le sommeil, où la raison faiblissante ouvre la porte à une cohorte de monstres ou à des créatures enchanteresses, une inspiration onirique qui se retrouve dans la composition de la très belle pochette. Pourtant Joy/Disaster ne souhaite pas nous endormir. 'Celebrate' qui ouvre ce bal gothique tranche dans le vif du sujet et nous présente la marque de fabrique du groupe post-punk : une section rythmique pesante, une guitare écorchée aérienne et envoûtée ainsi qu'une voix chaleureuse. L'album s'inscrit dans la continuité des précédents, le groupe préférant explorer à fond ses canevas plutôt que de tenter de radicales incursions en dehors de sa zone de confort, ce qui n'est pas forcément rédhibitoire. L'ambiance est certes un peu lourde mais jamais lourdingue, les compositions s'orientent toujours vers la lumière, mélancoliques mais pas dépressives. Un petit souffle épique vient parfois donner des frissons ('Wiping Tears'). Si l'ensemble ne brandit pas les oripeaux de l'originalité, il réussit à remplir son défi d'efficacité.
Les Lunévillois ont opté pour l'anglais et ce choix n'est pas malheureux, le chanteur ne possède qu'un tout petit accent qui est assez fin pour ne pas trahir ses origines. On pourrait toutefois lui reprocher de se placer parfois très près de la voix de Dave Gahan de Depeche Mode (sur 'Whispering To The Wall') - mais aussi parfois du roi des Corbeaux Nick Cave. Mais même pour être un clone vocal de ces derniers, il faut avoir suffisamment de coffre et de charme magnétique pour réussir à s'en sortir, des qualités que possède Nicolas Rohr. Sa voix grave mais jamais inquiétante invite à la suivre dans ce qui s'apparente à une visite de cimetière sous un soleil éclatant d'hiver, comme sur la ballade 'Nowhere' ou sur 'In The End' où elle se fait plus enjôleuse, ou prenant un tour plus rageur sur une rythmique écrasante ('Promise').
La durée de 39 minutes nous permet de passer un moment agréable avec un son post-punk qui envoie en orbite autour de la planète 80's. Le groupe reste fidèle à sa ligne de conduite, ce qui devrait ravir ses fans. Sans pour autant renier sa forte identité, espérons qu'à l'avenir Joy/Disaster osera tenter quelques évolutions.