Disorientation prend la forme d’un duo que composent Marie-Claude Fleury (chant, hautbois…) et Daniel Daris (guitare, basse). Mais la présence d’une chanteuse ne doit pas vous tromper : les Canadiens ne nouent aucun lien, même lointain, avec la mouvance gothique ni avec le doom conjugué au féminin. L’usage du hautbois, rare dans le metal, n’indique pas davantage une quelconque approche symphonique. Ou alors dans sa dimension la plus barrée et bruitiste. Bref, pour faire court, Disorientation se veut plus proche d’un Mr Bungle que d’un Therion ! Amis du easy listening, passez votre chemin car vos orifices risquent de saigner et à gros bouillons.
En vérité, le nom du groupe dit déjà tout, évoquant une musique expérimentale, une déconstruction en règle qui n’a que faire des mélodies ou de la beauté. "Survival Mode" n’est donc pas tellement agréable à déflorer. Il faut même s’armer d’un courage certain pour s’enfoncer dans ces entrailles rongées par la folie contaminatrice. Le fait que le supplice ne dure qu’à peine plus de quinze minutes ne le rend pas moins supportable. Le tandem y apparaît à l’unisson d’une expression franchement chaotique qu’alimentent autant ce chant tellement hystérique qu’il hérisse le poil que ces guitares déglinguées. Même le hautbois et le cor anglais dont se sert Marie-Claude font plus que participer à cette cacophonie.
De quel genre s’agit-il au fait ? Le groupe est étiqueté doom. Il y en a un peu en effet dedans au travers de ses aplats plombés ou de ces lourdes crevasses. Le death metal n’est parfois pas loin non plus dans cette dissonance rongée par la rouille. Parler de black metal dans sa définition la plus torturée ne serait pas plus absurde. Au vrai, Disorientation ne ressemble à rien et c’est finalement très bien ainsi. Au vu de cette description apocalyptique, il serait facile de clouer au pilori "Survival Mode".
Il n’est pourtant pas interdit de déceler dans cet EP de prime abord peu engageant, non pas une forme de beauté (il ne faut pas exagérer) mais au moins une espèce d’éclat fascinant, une lueur obsédante qui n’est parfois pas sans rappeler le King Crimson le plus halluciné. A conseiller à ceux que n’effraie pas le metal (très) extrême le plus dissonant.