Après les cartons internationaux depuis son premier album en 1981, la trajectoire de Duran Duran s'est inscrite en pointillés au mitan des années 90. Les petits gars de Birmingham ont pourtant poursuivi contre vents et marées, publiant des albums avec régularité jusqu'en 2015. La bande de Simon Le Bon est bien consciente qu'elle ne peut pas rivaliser avec les "artistes contemporains" que les jeunes s'arrachent, mais cela ne l’empêche pas d'ajuster sa formule en la modernisant et sans sombrer dans la redite.
Pour son deuxième album enregistré en deux ans, Duran Duran a retrouvé son armature classique, les guitaristes Warren Cuccurullo embauché sur "Notorious" et Andy Taylor sont présents en tant qu'invités. L'ambiance est au beau fixe, chacun des membres est efficace à son poste de prédilection. Simon Le Bon a toujours du coffre, souvent entouré de chœurs féminins du plus bel
effet et pas trop envahissants. Mais comme toujours le maître
de jeu reste Nick Rhodes : ses claviers tissent une véritable toile
d'araignée sonore, colorant les compositions de textures aussi
frénétiques que ténébreuses. L'album s'ouvre avec efficacité sur un 'Nightboat', extrait du tout premier opus, qui installe une atmosphère anxiogène. Car "Danse Macabre" est un recueil contenant des reprises, des anciens titres et trois morceaux originaux tournant autour de thèmes inquiétants ou glauques, offrant à l'album
une atmosphère sombre mais jamais terrifiante. Parmi les créations originales, c'est le morceau éponyme qui se distingue le
mieux avec son mur de son écrasant, le chant truculent de Simon Le Bon,
sa basse fulminante et ses chœurs féminins. On pourrait toutefois
regretter de ne pas avoir trop de nouveautés à se mettre entre les
oreilles.
Mais l'attention se porte particulièrement sur les reprises, le choix est d'ailleurs très éclectique et est marqué par un esprit aventureux. 'Paint It Black' de The Rolling Stones est plus tétanisant et lourd que l'original, notamment grâce
à l'apport des claviers de Nick Rhodes, les guitares vrombissantes et la voix froide de Simon. Le reggae 'Ghost Town' de The Specials a quant à lui été
accéléré et ressemble à un train fantôme dont le conducteur aurait sauté
en cours de route. Le nerveux et nocturne 'Spellbound' de Siouxsie And The Banshees est
encore plus dark et gothique et le combo de Birmingham aurait largement
pu faire ses gammes dans ce genre. Duran Duran surclasse la chanteuse asthmatique Billy Eilish sur 'Bury A Friend', en lui apportant toute la chair dont l'original était dépourvu. En revanche, si 'Psycho Killer' se révèle plus funky que l'original de The Talking Heads avec la basse bien
en avant curieusement tenue par Victoria De Angelis (Maneskin), nous
pouvons toutefois déplorer un traitement un peu moins abouti.
Duran Duran marque l'essai avec un projet qui semblait pourtant perdu d'avance. L'esprit de ce "Danse Macabre" respecte la tradition d'Halloween : s'amuser en se faisant peur. Si l'on peut regretter quelques choix au sujet de l'interprétation et la frustration de n'avoir droit qu'à trois nouveaux morceaux, il convient de saluer comme il se doit cet opus. Nick Rhodes et les siens ont conservé toute leur exaltante créativité et il serait curieux d'entendre - le plus tôt possible - le successeur de "Danse Macabre" pour savoir si cette expérience a été bénéfique.