Plus de trente ans se sont écoulés depuis la dissolution de Dire Straits. Et pourtant il est toujours difficile de séparer le nom de Mark Knopfler de celui du groupe mythique des années 1980, alors que le Britannique en est avec “One Deep River” à son dixième album solo. La formation reste stable, et Mark poursuit son entreprise de désophistication en recherchant toujours plus profondément ses racines folk et blues.
“One Deep River” est donc très éloigné du rock élégant de Dire Straits. La voix de Mark, discrète, nonchalante et sensible, se prête bien à l’exercice de cette musique intimiste réalisée entre copains, dont la complicité est évidente. Il y a un côté extrêmement maîtrisé (‘One Deep River’), dans un cadre volontiers rétro propre au style (‘Before my Train Comes’), parfois à la limite du scolaire (‘Smart Money’), loin de l'aspect virtuose de Dire Straits (‘Watch me Gone’). Le risque de retourner dans le passé est de présenter des titres avec une gros air de déjà-entendu, et ce disque n’y échappe pas (‘Janine’).
Heureusement, la qualité des arrangements, bien que minimaliste, pose les bases de pièces tout à fait agréables : l’apport des chœurs féminins (‘Tunnel 13’), de violon (‘Ahead of the Game’) ou de slide affine l’ensemble pour aboutir à de jolies réussites (‘Two Pairs of Hands’, ‘Scavengers Yard’ avec son côté ternaire discret) avec un aspect authentique particulièrement sensible (l’intimiste ‘Sweeter Than the Rain’).
Dans les années 1970, un autre artiste avait publié un album dans le même style folk blues : avec son “Beaucoup of Blues”, Ringo Starr avait à l’époque dérouté ses aficionados en quittant les chemins pop-rock dans un album resté confidentiel. “One Deep River” laisse un peu le même sentiment : évidemment authentique et sincère, il peine cependant à susciter un enthousiasme que Dire Straits en son temps savait si bien provoquer.