DEMANDE À LA POUSSIÈRE: Kintsugi (BLACK METAL) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Après Jeff Grimal, ancien guitariste The Great Old Ones et illustrateur talentueux, qui l’a quitté en 2019, ce fut trois ans plus tard au tour du chanteur Krys Denhez (Ophe, Ecr.Linf) de déserter les rangs de Demande à la Poussière, autour desquels le groupe s’est pourtant (en partie) construit. De la formation originelle ne reste donc plus que Edgard Chevallier. Alors que "Quiétude hostile" (2021) n’avait finalement pas souffert de l’absence de Jeff Grimal, le départ de Krys Denhez semblait plus difficile à pallier tant sa présence est forte sur tous les albums que sa voix décape. Si l’idée de le remplacer par Simon Perrin (Muertissima, Anthropovore), très bon au demeurant mais plus typé death metal, s’avérait plutôt surprenante, ce troisième effort démontre contre toute attente que ce choix était le bon (nous y reviendrons).

De fait, ces changements de personnel, pourtant loin d’être anecdotiques, n’ont en définitive aucune prise ni sur l’identité de DALP ni sur la qualité de son travail. Dans la lignée sévère et douloureuse de ses glorieux prédécesseurs, "Kintsugi" continue de forer la terre noire d’un black metal aux confins du sludge en une hybridation chaotique et pénitentielle. Son titre se réfère à une technique ancestrale japonaise qui consiste à réparer un objet brisé en soulignant ses fissures avec de la poudre d’or. On devine derrière cette référence une métaphore sur la résilience et le fait de puiser dans ses blessures la force de se battre, d’affronter les épreuves de la vie, carburant d’un album aussi rude qu’intense qui grouille dans ses entrailles d’une puissance sale et désespérée.

Les atours parfois plus atmosphériques qui le caressent (sur ‘Inapte’, le morceau d’ouverture, particulièrement) et pourraient laisser craindre une forme d’apaisement, ne doivent pas tromper, "Kintsugi" est bien un concentré de rage suppliciée et de brutalité rampante, tour à tour secoué par de pures décharges fielleuses (‘Ichinawa’), écrasé par une chape de mazout (‘La Parabole des Aveugles’), ouvrant les vannes d’une mélancolie malsaine (‘Le Sens du Vent’). De cette lave charbonneuse qui emporte tout, remuée par une section rythmique tentaculaire et des guitares rouillées par une lèpre vicieuse surnage le chant halluciné de la nouvelle recrue, à l’aise dans tous les registres, hargneux ou plaintif, toujours viscéralement démentiel.

Avec "Kintsugi", Demande à la Poussière confirme une inspiration aussi houleuse que tendue quoique non dénuée d’une forme de beauté sourde, qui met à nu les cicatrices de l’âme pour en tirer un suc vindicatif. Ce faisant, il érige -avec "Belluaires" que son ancien chanteur vient d’accoucher avec Ecr.Linf- un ensemble cimenté par une égale et bouillonnante colère.

DEMANDE À LA POUSSIÈRE

KINTSUGI

AUTRE LABEL

BLACK METAL