« Insekt », nouvelle offrande de Carptree, nous présente un univers qui se révèle tour à tour majestueux, évocateur et pourtant singulier, mélancolique et pourtant lumineux, évolutif et pourtant accompli.
Majestueux ; «Insekt » délivre une atmosphère envoûtante et mélodieuse, aux sonorités d'une pureté saisissante. Son décor? Proprement fascinant. Son ambiance? Symphonique, sombre, parfois lourde, mais jamais oppressante. Chaque élément est pesé et pensé avec minutie pour ne pas trop s'imposer aux autres, cultivé et façonné avec délicatesse pour ne faire qu’un, pour dégager un sentiment de beauté universelle. Le souci de la justesse et l’obsession du soin demeurent constants. Interprétées avec une rare acuité, les tonalités se mélangent entre elles et sont parfaitement maîtrisées par une voix expressive et par les portées d’un piano/synthé omniprésent, dont les notes proches de l’absolu maintiennent l’ensemble en équilibre. Le tout est admirable de cohérence et d’intelligence.
Evocateur et singulier ; «Insekt » ressuscite des émotions enfouies, souvenirs intenses d’un passé glorieux qui brille toujours en nous, comme une étincelle éternelle. « Taxonomic Days » évoque ainsi, dans son style musical et dans ses voix, un subtil mélange, un habile amalgame, une véritable osmose entre deux symboles vivants du monde progressif, emblèmes de mythes ancrés à jamais dans la légende : Marillion et Genesis, Fish et Gabriel, le Bouffon et l’Archange. Cette union perdure tout au long de notre voyage et nous entraîne, au final, au bord d’un étang où trône, imperturbable et calme, un flamant au plumage rose rayonnant et aux colorations floydiennes (version Waters) évidentes (« Stressless »). « Insekt » ne tombe cependant jamais dans le plagiat. Au contraire, il cultive ses influences à l’extrême et, de cette quintessence, de cet éclectisme, en extrait un son unique, inclassable, moderne et jamais rétro, qui contribue à forger son identité singulière et personnelle. Les chœurs, d'une rare finesse, y contribuent en partie. Omniprésents tout au long du périple, ils sont grandiloquents ; véritables instruments, ils apportent de l'ampleur à l’ambiance.
Mélancolique et lumineux ; Alternant son emprise sur nos tensions intérieures, « Insekt » présente un climat sombre mais constamment agrémenté d'élans d’allégresse, où la lumière et l’étincelle du bonheur scintillent. La substance de « The Secret » couve ainsi lentement avant d’imploser littéralement, délivrant, à mi-chemin, une envolée grandiose, dont le mélange piano-choeur-guitare s'avère épique, homérique! L'alchimie opère, la magie agit! L'un des moments les plus jouissifs du groupe à ce jour.
Evolutif et accompli ; moins évident et accessible que « Superhero », plus homogène que « Man Made Machine », « Insekt » s’efforce d’explorer des contrées nouvelles, plus agressives, plus lourdes et plus puissantes que par le passé (« Pressure », « Big Surprise »). Ce durcissement embellit les différences. Mieux, il fait ressortir les changements de rythmes. Les titres de ce nouvel opus apparaissent légèrement moins conventionnels et formatés que sur les œuvres précédentes. Ses auteurs semblent mélanger davantage les genres, tout en conservant et en peaufinant les secrets de leurs réussites antérieures: malgré des variations sonores plus opposées que par le passé, « Insekt » n’en délaisse pas pour autant les mélodies imparables (« Evening Sadness »). Il nous présente ainsi un univers musical qui apparaît plus intime et accompli.
Montant en puissance au gré des écoutes, « Insekt » se révèle être une œuvre somptueuse, d'une beauté captivante. Elle n’est pas synonyme de révélation, encore moins de confirmation, mais de séduisante progression dans l’histoire d’un groupe qui ne cesse de se bonifier, s’imposant toujours plus comme une référence incontournable dans l’univers du rock progressif symphonique. A savourer !