Ape Vermin est un groupe américain qui a quelque chose de patibulaire dans son nom évoquant quelque bestiole grumeleuse qu’on imagine patauger dans un death metal bien fétide. En fait, il n’en est (presque) rien puisque le trio de Caroline du Nord débite du bon gros doom velu. Ce qui ne le rend pas moins hargneux et brutal, plus proche en cela du sludge bourru que de Candlemass ou des fumeurs de pipe à eau.
De même, les titres de ses albums, "Sonic Monolith" en 2018, le EP "Arctic Noise" en 2021 puis ce "Andromeda Colossus" qui nous intéresse plus particulièrement, laissent deviner un matériau extrêmement lourd et massif, enraciné dans des profondeurs telluriques, épais comme de la lave en fusion. Enfin, sa forme ternaire (guitare/basse/batterie) annonce une approche dépouillée, qui va à l’essentiel et ne s’encombre d’aucune fioriture.
Sale, méchant et plombé, tel semble donc vouloir être Ape Vermin dans la traînée rude et boueuse des Crowbar et autre High On Fire. Cette deuxième rondelle étale pourtant un sludge doom plus subtil et nuancé qu’il n’en a l’air. Certes, le chant du guitariste Brett Lee est rugueux comme il se doit, le tempo encastré dans la roche, sa peau couverte de l’écorce résineuse d’arbres dressés vers le ciel dans toute leur robuste et majestueuse puissance. D’ailleurs, en guise d’ouverture, ‘Obliteration Imminent’ ne laisse aucun doute quant à la nature acrimonieuse de Ape Vermin.
Toutefois, ‘Colony’ vient déjà quelque peu brouiller cette première impression. Tous les voyants sismiques sont au rouge mais en fin de parcours, la guitare s’élève étonnnament haut, gorgée d’un feeling stratosphérique. Bien que ramassé et ultra plombé, ‘Pulse Driver’ est noyé sous une couche nébuleuse tandis que les ‘Mining The Colossus’, ‘Motherlode’ ou plus encore le terminal et presque instrumental ‘Return To Andromeda’ sont nimbés d’un voile quasi cosmique, ce qui ne les empêche pas de s’abîmer dans un vertigineux trou noir.
Ainsi ce menu robuste se partage entre courtes saillies, énervées et râpeuses, et pulsations épiques aux lueurs stellaires quoique toujours granitiques. S’il aurait sans doute mérité d’être raboté (trop long, il voit son intensité s’essouffler en cours de route), "Andromeda Colossus" n’en débite pas moins une bûche sévère qu’un salvateur jus spatial vient arrondir sans toutefois réussir à la vider de son substrat d’une rocailleuse âpreté.