Ultra Vomit, c’est un peu comme ce fromage bien affiné qu'on laisse couler lentement : ça prend son temps, mais une fois prêt, on sait que ça va marquer. Le groupe à pris l'habitude de nous livrer un album tous les 8-9 ans, comme un sénateur qui se traîne entre deux commissions... sauf que là, c’est entre deux riffs bien gras. Mais peut-on vraiment reprocher au groupe de prendre son temps ? Le style est une niche dans une niche elle-même dans une niche. Sortir des albums plus souvent, ce serait prendre le risque de lasser et, pire encore, d’épuiser le stock d’idées aussi déjantées qu’efficaces qui font le succès du groupe.
Malgré le calme plat côté studio, les Nantais ne sont pas restés cloîtrés dans leur cave. Entre tournées (dont l'incontournable Gros 4 avec Mass Hysteria qui aboutira au titre 'Mouss 2 Mass'), un live à l'Olympia, et même une apparition remarquée dans les jardins de l'Élysée (ce qui prouve qu’on peut être aussi à l’aise dans la chaleur du Hellfest qu’en train de taquiner les pelouses présidentielles), ils reviennent enfin avec "Le Pouvoir de La Puissance", le tant attendu album de l’immaturité assumée.
Ultra Vomit n’a pas grandi, et ça, c’est presque rassurant. Pire, ils s’enfoncent encore plus profondément dans le fondement du délire metal avec un doigt... un point d'honneur à rester les sales mômes du metal français. Musicalement, l'album envoie toujours du lourd : des parodies bien calibrées, une technique solide, et une capacité à explorer tous les recoins de la musique dite extrême (heavy, rock, power...), sans jamais se prendre trop au sérieux. Si leur précédent opus restait dans les frontières du metal pur, "Le Pouvoir de La Puissance" pousse le bouchon un peu plus loin et s’attaque à d’autres styles : Orelsan ('Doigt de Metal'), Indochine ('A.N.U.S.'), Renaud ('Ricard Peinard'), et même Johnny Hallyday ! Le tout, bien sûr, enrobé de riffs métalliques comme ils savent si bien le faire.
Cependant, l'album soulève un petit bémol : parfois, on a cette impression qu’Ultra Vomit finit par se parodier lui-même. L'humour potache en dessous de la ceinture est toujours là, mais à force de creuser dans ces thématiques scatologiques, on finit par se demander s’ils n’ont pas oublié qu’il existe d’autres registres. Ils en sont d'ailleurs parfaitement conscients et jouent cette carte totalement assumée, nous voyant venir en nous narguant avec leur clin d’œil bien gras aux chroniqueurs ('Ültrüs Crêw'). Mais est-ce que cette posture des Peter Pan du metal ne commencerait pas à montrer ses limites ?
Cela dit, il serait injuste de ne pas saluer la production impeccable et les riffs qui claquent à la figure comme des gifles bien senties. Écouter Ultra Vomit, c’est comme se mater une énième suite de Police Academy ou Y a-t-il un flic... : on sait déjà à quoi s’attendre, mais on ne boudera pas notre plaisir pour autant.
"Le Pouvoir de La Puissance" remplit toutes les cases : parodies souvent très bonnes, un humour bien gras mais caustique, et un groupe qui continue de faire ce qu’il sait faire de mieux. Ça manque peut-être un peu de surprise, mais finalement, c’est peut-être ça, la vraie puissance d’Ultra Vomit.