Blind Destiny s'était manifesté pour la première fois en 2016 avec un premier album de 4 titres "Suffering Prison" (pour 45 minutes d'écoute) qui mettait en avant un metal progressif aussi intriguant qu'aventureux. Des sonorités à la Dream Theater côtoyaient ainsi avec allégresse un aspect plus proche du jazz fusion. Malgré cette réussite autant technique que mélodique, le groupe français originaire du Havre avait ensuite disparu des radars avant de faire son grand retour huit ans plus tard pour la sortie de "Utopie Temporelle".
Qui dit metal progressif fait inévitablement penser à la langue anglaise, et c'est bien dans cette langue qu'évoluait le groupe sur son premier album. Mais comme son titre l'indique, "Utopie Temporelle" a fait le choix du français pour partager son humeur. Et il se doit de féliciter un groupe qui parvient à mettre en avant la langue française dans les registres de lourdeurs mélodiques. La voix de Vincent Courseaux traduit une rage (à la limite du growl sur 'Solitude' ou 'Exode Mental'), une colère mais aussi une sensibilité à fleur de peau se révélant agréable à l'oreille, d'autant plus que les textes sont plutôt bien écrits. Le chanteur, également guitariste, n'essaie pas de copier les modèles du genre et son interprétation est personnelle. Juste, s'éraillant parfois, et touchante. Pour autant, le groupe gagnerait a alléger ses textes, les défauts de ses qualités peuvent parfois rendre l'ensemble un peu indigeste.
Récemment devenu un quatuor, Blind Destiny a intégré un deuxième guitariste (Mattias Eyherabide) pour épauler Vincent Courseaux et fournir une assise tellurique à son metal. Les riffs sont bien huilés comme le prouvent 'Résilience' 'L'arrivée' 'Dystopie' ou 'Demain' sur lequel les deux guitaristes sprintent en parallèle jusqu'à la ligne d'arrivée.
A la basse, ce diable de Maxime Beaucé a tout pour se faire une place aux côtés de Mark King ou Tony Levin. Le métronome d'Andrea Moretti nous caresse autant qu'il nous fouette de ses salves précises et efficaces.
Exploration tous azimuts ! Le socle est metal prog, en revanche le groupe n'est pas enclin à fermer sa fenêtre à toutes autres sonorités. On retrouve un esprit bluesy sur l'introduction du titre éponyme, du jazz sur 'Exode Mental', quelques étincelles médiévales à la Opera Multi Steel sur 'Solitude'. Sur 'Crépuscule Contradictoire' et ses paroles délirantes (essayez de placer les mots “rillettes”, “canard” et “pinot noir” dans une seule chanson de rock !) ou sur 'L'Équilibre' (avec un étrange solo acoustique au milieu de la lave en fusion), les Havrais se jouent des instants calmes et des moments plus survoltés. Le découpage des 10 titres répartis sur 50 minutes s'avère plus heureux que sur le premier album où celui-ci manquait parfois de respiration.
Très belle découverte que cette "Utopie Temporelle" qui a eu le mérite d'apporter un parfum de français au metal prog tout en lui injectant du sang neuf. Un album qui réjouira autant les fans de metal progressif que ceux de prog.