Du haut de ses dix-sept ans de carrière, Winterfylleth n’a plus rien à prouver depuis longtemps. Une poignée de très grands disques l’ont imposé parmi les maîtres d’un black metal à la fois épique et atmosphérique, sculpté dans la terre anglaise froide et sévère, enraciné dans une histoire trempée dans le sang et le fer.
Après un silence aussi long qu’inhabituel, le quintet toujours guidé par Chris Naughton (chant, guitare) et Simon Lucas (batterie), livre un huitième album de haute volée dans la droite et belle lignée de ses prédécesseurs. Le cadre est donc familier, de cette pochette que remplit une montagne d’une glaciale majesté, à ces paysages sonores d’une emphase abrupte que les musiciens gravissent avec une puissance embuée d’émotions.
Précédé par des préliminaires dont la mélancolie neigeuse en font une porte pleine de solennité plus qu’une petite introduction obligée, ‘Like Brimming Fire’ déboule avec un mélange de brutalité et ambiance brumeuse qui rappelle un peu le black metal venu d’Europe de l’Est, emporté par un chant qui bouillonne d’une sombre violence et un tempo implacable imprimé sur un tapis de claviers forestiers. ‘Dishonour Enthroned’, que propulsent des blasts torrentiels ou le morceau-titre dont la dernière partie escalade néanmoins des cimes enivrants, maintiennent cet élan furieux.
Cet abord agressif n’exonère toutefois "The Imperious Horizon" ni d’une force mélodique tout du long prégnante ni d’une beauté minérale. Ascension à travers un relief à la fois sinueux et nimbé d’une atmosphère presque poétique, ‘Upon This Shore’ en constitue l’illustration la plus pure. Puis à mi-chemin, surgit ‘In Silent Grace’, qui n’est pas seulement la composition la plus étirée – 11 minutes – de cet ensemble grandiose, mais son incontestable sommet. Ce qu’elle doit autant à son rythme plus posé, qu’il ne faut pas confondre avec une baisse d’intensité, qu’à la présence en invité de l’impérial Alan Nemtheanga, légendaire chanteur de Primordial, dont la voix poignante reconnaissable entre mille, l’enrobe d’un désespoir granitique.
On se prend alors à rêver que cette alliance entre l’art noir tranchant de Winterfylleth et la robustesse dramatique des Irlandais n’en reste pas là tant le résultat se révèle immense. Il représente la face la plus belle d’un album qui entame ensuite une descente dans ses crevasses les plus meurtrières avec ‘To The Ege Of Tyranny’, saillie brutale et le terminal ‘The Insurrection’ que sépare cependant ‘Eathen Sorrows, pause instrumentale et boisée du plus bel effet.
"The Imperious Horizon" fera sans aucun doute date dans la carrière de Winterfylleth qui atteint l’équilibre parfait entre agressivité glaciale et mélodie pleine de majesté. A noter que l’album propose en guise de bonus une seconde version de ‘In Silent Grace’ et une relecture du ‘The Majesty Of The Nightsky’ d’Emperor. Si la première n’apporte rien à l’original, la reprise des Norvégiens s’inscrit quant à elle parfaitement dans la thématique et l’ambiance générale voulues par le groupe.