Quel est le point commun entre My Own Private Alaska et Tool ? Le temps passé à sortir un nouvel album : près de 14 ans. Certes, le retour des Français n’aura pas le même écho mondial que celui des Américains, mais "All The Lights On" ne passera pas inaperçu pour autant. My Own Private Alaska demeure l’un des rares (sinon le seul) groupe à avoir fait du piano un acteur central dans un univers hardcore, donnant naissance au genre singulier du "pianocore".
Le piano, loin d'être un simple instrument d’accompagnement, devient le cœur battant de leur musique, catalysant les émotions brutes et rebelles du hardcore, tout en y insufflant une touche presque romantique. Là où le piano est rarement mis en avant dans le rock, sauf peut-être avec Muse ou dans le néo-progressif avec Iamthemorning, My Own Private Alaska en fait un instrument de rage et de mélancolie, créant ainsi une sonorité unique. Cet amalgame avait pris avec leur précédent disque "Amen", mais la suite s’est fait attendre, entre projets parallèles et un line-up remanié.
Le bien-nommé "All The Lights On" marque un retour aux sources tout en ouvrant de nouvelles perspectives. Ce nouvel album est une plongée émotionnelle dans laquelle la rugosité du hardcore -avec ses riffs ravageurs et ses chants screamo- se mêle à la poésie sombre du piano tutoyant le classique. Le contraste est saisissant, donnant naissance à des morceaux intenses, véritables montagnes russes émotionnelles. Des titres comme l’épique ‘Ka Ora’ et le cinématographique ‘Burn, And Light The Way’ en sont les figures de proue. Ce dernier se distingue sans doute comme l’un des morceaux les plus aboutis de l’année, capturant une symbiose rare entre la voix, la rythmique, la mélodie, et une montée en puissance qui laisse le souffle court.
"All The Lights On" sonne réellement comme une œuvre de groupe mûrie et accomplie. L’équilibre est subtilement trouvé, et dès l’ouverture avec ‘From Gold To Stone’, on ressent cette maturité nouvelle, cette volonté d’introspection et de maîtrise. Le chant alterne remarquablement entre passages clairs et cris, renforçant une dramaturgie presque théâtrale, et, à certains moments, le groupe n’hésite pas à s’aventurer dans des terrains plus expérimentaux ou bruitistes, flirtant avec le progressif (‘Question Mark’) ou le darkcore.
My Own Private Alaska livre ici un album saisissant, abordant des thèmes profonds comme la disparition, la renaissance et la spiritualité. La subtilité de l'écriture, la narration captivante et l’intensité de l’interprétation font de "All The Lights On" un véritable coup de cœur, et sans doute l’un des albums les plus marquants de leur discographie.