Beardfish, c’est l’histoire d’un groupe de rock progressif suédois fondé par un groupe de copains il y a près de 25 ans, dont les membres ont grandi, changé, fondé une famille parfois, jusqu’à ce qu’ils se séparent après 15 ans et 8 albums pour cause d’agendas personnels divergents. Les Suédois ont beau être connus pour être mélomanes, leur histoire est hélas très banale et absolument universelle. Le rythme soutenu des répétitions, des sorties d’albums, des tournées, est parfois difficilement conciliable avec une vie de famille. Après un break de quasiment 10 ans, le temps de respirer, de vaquer à d’autres occupations, voire de s’essayer à une carrière en solo pour certains comme le chanteur Rikard Sjöblom, le groupe s’est finalement réformé.
Quand on dit rock progressif traditionnel, on pense d’abord à des groupes tels que Yes, King Crimson ou Genesis. Et dans ce cas, on n’a pas besoin d’élargir la palette beaucoup plus pour situer le genre de Beardfish, même s'il est vrai que c’est un peu réducteur. Beardfish nous propose avec "Songs for Beating Hearts" une musique facile à mettre dans la case prog, mais ça ne serait pas leur faire honneur que de se cantonner à ce constat, tant les morceaux sont riches, travaillés, aussi bien dans leur progression harmonique que dans leur contenu technique.
Le titre ouvrant le bal, 'Ecotone', donne immédiatement le "La" sur le style proposé. Il sert à introduire un morceau de 20 minutes ‘Out in the open’ découpé en cinq parties parfaitement indissociables, mises en cohérence par un fil conducteur fort : l’amour et l’art de retrouver sa voie après s’être perdus. Après cette véritable épopée, ‘Beating hearts’ propose 11 minutes de rock prog pur jus qui ne désarçonnera pas les fans du genre. Les nappes de violons en intro et outro sont sublimes et mettent bien en relief ce que le morceau a à raconter. ‘In the Automn’ est un morceau de toute beauté qui exprime à lui seul l’étendu du talent de Beardfish. Tout en restant dans l’univers rock prog classique, il propose des envolées à la Led Zeppelin intéressantes, des progressions originales et l’ajout d’harmonies vocales féminines qui apportent un vrai plus à l’ensemble.
Le titre bonus 'Ecotone - Norrsken 1982', tout droit venu du passé, est sans doute un cadeau pour les fans de la première heure mais on aurait largement pu s’en passer, puisqu’il vient ponctuer de manière très singulière l’histoire que Beardfish vient raconter. Avec ses réminiscences à Lynyrd Skynyrd voire Eagles, finir sur ‘Torrential Downpour’ aurait été plus judicieux même si ce n’est pas le morceau le plus mémorable de l’album.
“Songs for beating hearts” est un album agréable, optimiste dans son message qui signe la réunion d’un groupe de copains ayant commencé la musique ensemble dans un garage. Pour autant, il n'est pas certain qu'il reste parmi les albums mémorables de l'année...