Clap de fin pour No One Is Innocent avec "Colères", un best-of puissant pour témoigner de 30 années d'une carrière aussi tourmentée que la société qu'elle décrit. Clore un chapitre, voire un livre, n’a rien de simple, et c’est ce que le groupe nous propose : revisiter le passé, avec un line-up profondément remanié ces dernières années, et partager avec nous ce regard en arrière.
Les images reviennent comme des coups de poing : le choc du second tour Chirac-Le Pen en 1995, aujourd’hui presque prophétique et renouvelé, la montée du populisme, la crise écologique, les dérives autoritaires, les gilets jaunes, et bien sûr les attentats nombreux et meurtriers… En dix albums, No One Is Innocent a abordé chacun de ces sujets avec une rage inébranlable, en toutes "Colères".
La sélection des morceaux semble naturelle, instinctive, avec des extraits de concerts – comme celui de la tournée "Barricades" à La Cigale – qui capturent toute la force et l’énergie d’un groupe à l’heure de sa révérence. À cela s’ajoutent des morceaux réarrangés à la sauce orientale par un jeune groupe, symbolisant un passage de flambeau ('Le Poison', 'La Peau', 'Massoud'). Deux inédits violents ('L'Arrière Boutique du Mal', 'Ils Marchent') dénoncent les dérives des réseaux sociaux, l’anonymat toxique et, comme toujours, la menace des extrêmes. Frustration inévitable - tant de morceaux mériteraient de figurer ici. Un exercice de sélection presque sacrificiel, à l’image de l’histoire mouvementée des membres (anciens et nouveaux) du groupe.
No One Is Innocent s’en va, mais ses colères demeurent, comme les sujets qu’elles soulèvent, toujours brûlants d’actualité. La relève sera difficile à trouver dans un paysage médiatique qui évite les aspérités. Peu importe, nous aurons eu la chance d’assister à la naissance et au crépuscule d’un groupe essentiel.