Six ans après "Happy Xmas", Eric Clapton fait un retour inattendu. Il aurait été fort triste de voir la discographie studio de "Slowhand" s'achever sur un album assez mitigé -"Happy Xmas" accusait de trop nombreuses longueurs et un cruel manque d'inspiration. "Meanwhile" ("Pendant ce Temps") devrait nous donner une idée sur la façon dont Eric Clapton s'est occupé pendant les six dernières années, et à l'image de la pochette, il semble avoir pris son temps.
Pour ce vingt-deuxième album studio, celui qui n'aimait pas qu'on le surnomme God s'est montré adepte du recyclage. Cet opus est composé de chansons sorties en single depuis 2020 et d'une poignée de nouvelles créations. En outre, nous retrouvons les noms prestigieux de Jeff Beck et de Van Morrison dans le livret. Si la collaboration avec "Van the Man" sur trois morceaux dont l'excellent 'The Rebels' est plus que réussie, en revanche celle avec Jeff Beck, disparu récemment, aurait mérité mieux qu'une reprise bancale de 'Moon River' d'Henry Mancini.
Eric Clapton a toujours aimé pratiquer les reprises pour mettre en avant ses héros (J.J. Cale) tout en se faisant plaisir. Aux côtés de Chuck Berry, de Bob Neuwirth et de Charlie Chaplin ('Smile', gorgé de lumière), nous retrouvons Elvis Presley ('Always On My Mind') en duo avec le chanteur country
Bradley Walker, réussi mais moins léché que la version des Pet Shop Boys. Le folk 'Sam Hall' est plus convaincant et il aurait été alléchant d'écouter son interprète réaliser un album intégralement dans ce style.
Les morceaux originaux ne sont pas en reste : 'Pompous Foul' et le mélancolique mais chaleureux 'Heart Of A Child' prouvent bien qu'Eric Clapton n'est pas devenu manchot (un blind test sur 'This Has Gotta Stop' permet de reconnaître son jeu entre mille). Certes, il n'y a pas de moments orageux comme 'Layla', l'album naviguant sur une mer tranquille où la voix chaleureuse et une guitare aux accords dorés servent de guide. Et parfois de nouveaux rivages se dessinent à l'horizon comme le reggae sur 'One Woman'.
Malheureusement, l'ensemble (64 minutes) est un peu indigeste et il aurait été heureux que le guitariste anglais renoue avec des longueurs moins copieuses comme à l'époque de "Money And Cigarettes", "461 Ocean Boulevard" ou encore "Backless", qui ne dépassaient pas les 50 minutes. D'autant que certaines pistes lancinantes et pourvues d'une batterie plate ('How Could We Know' chanté en trio) auraient pu être retirées sans créer le moindre bouleversement.
À 79 ans, Eric Clapton n'a plus rien à prouver et peut se permettre de jouer la musique qu'il aime en compagnie de ceux qu'il aime. "Meanwhile", alourdi par sa volonté généreuse d'offrir trop d'amour à ses fans, montre que l'inspiration de "Slowhand" n'est pas tarie et nous serions ravis de le voir retourner le plus vite possible en studio pour concrétiser un nouvel album avec un peu moins de reprises mais plus de morceaux originaux.