Malgré ses 17 années au compteur et des disques de plus en plus maîtrisés dont l’immense "The Woods" (2019) sur lequel nous l’avions quitté, A Swarm Of The Sun demeure encore, de tous les groupes majeurs de post rock/metal, l’un des plus méconnus. Certes, les Suédois ne le sont pas pour les amateurs du genre mais ils mériteraient de bénéficier d'une reconnaissance commerciale au moins égale à celle de leurs compatriotes de Cult Of Luna par exemple. Espérons que "An Empire" corrige enfin cette injustice. Car autant l’annoncer de suite, ce quatrième album du tandem qu’incarnent Erik Nilsson et Jakob Berglund est un monument. Rien de moins.
Monumental, il l’est déjà par sa forme, massive, robuste. 71 minutes réparties en six pistes seulement dont deux d’entre elles voisinent avec les 20 minutes. Monumental, il l’est encore par sa foisonnante texture sonore où piano et harmonium se mêlent à des guitares glaciales sur un substrat percussif bourgeonnant et qu’une prise de son à la fois colossale et aérienne enrobe d’une ampleur peu commune. Monumental, il l’est enfin par son caractère entier et indivisible, bloc de mélancolie blafarde qui ne peut s’appréhender que dans sa globalité.
Grondant d’une puissance cinématographique, "An Empire" a quelque chose d’un récit défilant au gré de ses compositions qui s’enchaînent les unes aux autres en un grand huit émotionnel tout en progression, fait de pauses émouvantes, d’alvéoles atmosphériques et de décharges aussi dramatiques que bouleversantes. Encadrée par deux respirations engourdies par une lenteur fantomatique (‘This Will End In Fire’ et ‘Anthem’), l’œuvre chemine le long d’une crête accidentée qui l’entraîne vers des sommets d’ambiances tragiques, au premier rang desquels se dressent l’énorme (à tous points de vue) ‘The Pyre’ dont la seconde partie, déchirante, touche au sublime et ‘The Burning Wall’, plus trapu (tout est relatif) mais palpitant d’une tension toute aussi paroxysmique. Plus que jamais maître de l’élévation poignante, A Swarm Of The Sun y est à son apogée avec ce mélange de force pulsative et de délicatesse hypnotique qui n’appartient qu’à lui.
Mais la personnalité des Suédois transparaît également dans cette manière de jouer habilement avec les codes du post rock. Aux guitares tour à tour lourdes et stratosphériques, ils n’hésitent pas à leur privilégier souvent des parties vocales qui tiennent un rôle essentiel dans cette dramaturgie froide et mélancolique, à l’image de ‘An Empire’ dont le chant fragile n’en grève pour autant pas la profondeur sismique. De même, piano et claviers occupent une place prédominante dans un ensemble dont ils tapissent le sol d’une tessiture brumeuse et confère à l’album une dimension faussement apaisée. En vérité, le groupe aime jouer autant sur la progression que sur l’opposition entre le paisible et l’orageux, pour aboutir à une création enveloppante qui émeut autant qu’elle tonne d’une sève foudroyante.
Pavé sonore, "An Empire" se mérite mais fera date dans l’histoire du post rock, affirmant la domination de A Swarm Of The Sun dans un style dont il continue à explorer les ramifications avec âme et personnalité.