ORANSSI PAZUZU: Muuntautuja (BLACK METAL) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Titres d’albums imprononçables, pochettes aussi étranges que peu engageantes et surtout une musique toute aussi barrée, étiquetée black metal mais plus proche d’une avant-garde déglinguée, c’est peu dire que l’univers de Oranssi Pazuzu est difficile d’accès.

Et alors que "Mestatin Kynsi" (2020) avait déjà repoussé pas mal de limites, panse sonore gonflée d’un psychédélisme noir, "Muuntautuja" s’enfonce pourtant encore plus profondément dans les entrailles de l’indicible, labyrinthe pollué par des guitares rongées par la rouille, gangrené par une myriade de kystes électroniques. La batterie ne file jamais droit, comme chez le King Crimson le plus halluciné, les ambiances sont étouffantes, malsaines, crachées d’une chaudière infernale.

Ce sixième méfait n’est pas très long, à peine quarante minutes, mais il paraît durer le double, supplice cacophonique auquel ni lumière ni mélodie ne réussissent à s’accrocher, à l’image de ce ‘Valotus’, procession bruitiste battant d’un pouls stridant. Dans ces conditions, il serait tentant de laisser tomber l’affaire au bout d’une écoute. Pourtant, comme toujours avec les Finlandais, il ne faut pas hésiter à insister, à multiplier les va-et-vient, aussi inconfortables soient-ils, dans l’intimité tellurique d’un album dont la puissance obsédante finit peu à peu par inoculer son venin.

‘Ikikäärme’, piano lugubre et chant clair qui n’est pas évoquer celui de Garm (Ulver), brille d’un éclat hypnotique quoique toujours maladif. Nimbé d’une brume inquiétante, ‘Hautatuuli’ se pare de lambeaux crimsoniens qui le rendent assez fascinant dans sa beauté souterraine. Tout aussi bizarre, ‘Vierivä usav’ est un instrumental aux effluves cosmiques qui ferme le caveau sur une note mélancolique et désespérée.

Même les saillies les plus mortifères et biscornues se voient zébrées de timides lueurs, de détails enfouis dans leurs méandres, qui les extirpent de l’obscurité et offrent à l’auditeur intrépide de fragiles balises, de fugaces repères, toutefois assez vite avalés par des ténèbres qui reprennent toujours leur droit. Citons les espèces de chœurs fantomatiques qui drapent tel un suaire ‘Biolkemisti’, amorce néanmoins agressive dans sa fureur démentielle. Bien que contaminé tout du long par la corrosion de tumeurs électroniques aux accents stellaires, le titre éponyme n’est pas sans distiller dans sa dernière partie une lèpre envoûtante que confine à une forme de transe pulsative, cependant que ‘Voitelu’est hanté par des atmosphères mystérieuses.

"Muuntautuja" rappelle que le black metal que forge Oranssi Pazuzu ne ressemble définitivement à aucun autre si ce n’est à lui-même, laboratoire effrayant niché dans les enfers, brutal dans sa noirceur convulsive, fascinant dans sa force évolutive.

ORANSSI PAZUZU

MUUNTAUTUJA

NUCLEAR BLAST

BLACK METAL