Tout commence avec ‘Eldhaf’, une entrée en matière qui vous cueille doucement. Une guitare solitaire, presque fragile, pose une atmosphère contemplative avant que le morceau ne se déploie en une vague sonore puissante et complexe. La voix de Kári Haraldsson, chantée en islandais, apporte une chaleur mélancolique qui évoque immédiatement les paysages volcaniques et glacés de l’Islande. On pense à Sólstafir ou Alcest, mais Múr y ajoute une énergie brute, une urgence qui tient en haleine. Le titre ‘Múr’ arrive ensuite, et subitement, le ton change. C’est littéralement un mur de son, avec des riffs massifs, une rythmique implacable, et un chant guttural qui surgit avec une force inattendue. L’influence de Meshuggah plane sur les structures mais la touche nordique -avec ses textures réverbérées et son âpreté- donne au morceau une couleur unique. C’est à la fois écrasant et fascinant.

Dans la série titre marquant, en quatre minutes, ‘Frelsari’ condense tout ce que le groupe sait faire : un refrain poignant, des solos de guitare qui respirent la mélodie, et une basse qui ancre le tout dans un groove sombre. C’est accessible sans être simpliste, un équilibre rare. À l’inverse, ‘Heimsslit’ prend son temps, plus de dix minutes d’une exploration qui oscille entre doom atmosphérique et prog pur. Enfin, le conclusif ‘Holskefla’ est tout simplement excellent. Il referme l’album sur une note magistrale, un déluge sonore qui submerge avec ses mélodies ascendantes et ses rythmes labyrinthiques. C’est comme si tout ce que le groupe avait construit jusque là explosait en une catharsis finale, belle et déchirante à la fois.

La production est un atout majeur. Signée par Haraldsson lui-même, elle donne à chaque instrument sa place : la basse d’Ívar Klausen ronfle avec profondeur, les frappes d’Árni Jökull Guðbjartsson sont précises et percutantes, et les guitares d’Hilmir Árnason et Jón Ísak Ragnarsson -nourries de leur formation classique et jazz- brillent par leur finesse autant que par leur puissance. Rien ne semble gratuit ici : chaque note sert l’émotion ou l’histoire que l’album veut raconter.

Cela dit, "Múr" n’est pas sans défaut. ‘Vitrun’, avec ses incursions électro expérimentales peut parfois sembler désorientant, comme si le groupe cherchait encore ses marques dans ce registre. ‘Messa’, quant à lui, s’étire un peu trop dans ses moments ambiants, au risque de perdre en tension. Mais ces écarts témoignent aussi d’une ambition : Múr ne se repose pas sur ses lauriers, ils explorent, quitte à trébucher.