Troisième album et virage contrôlé pour BRKN LOVE. Avec "The Program", Justin Benlolo et ses acolytes prennent leurs distances avec le rock abrasif de leurs débuts pour se risquer sur des terrains plus contrastés. Moins frontal, plus sinueux, moins rageur, plus suggestif. Une envie évidente de se renouveler sans tomber dans la redite, dès les premières mesures.
L’intention est claire : ne pas refaire deux fois le même disque. Ici, on groove davantage, on injecte des touches de R&B, on effleure même une forme de pop moderne, sans jamais renier les guitares. Une hybridation qui fonctionne mieux qu’il n’y paraît, car elle repose sur un socle solide : celui d’un songwriting inspiré, de lignes de chant habitées, et d’un travail de production qui évite l’écueil du lissage.
Dès l’ouverture, le ton est donné. L’esthétique est soignée, presque cinématographique par moments, chaque morceau cherchant à installer une ambiance avant d'exploser. 'Cruel' illustre bien cette approche : une tension diffuse, presque nocturne, portée par une basse glissante et une voix qui ne force jamais mais suggère beaucoup. 'Diamonds' bouscule un peu l’équilibre avec son énergie électrique et ses accents presque dansants, comme si BRKN LOVE cherchait à désarçonner sans brusquer.
Cette volonté de bousculer les codes, de sortir du carcan du rock alternatif classique, est louable. Mais elle a aussi ses revers. À force de varier les textures, de ralentir le tempo, certains titres donnent l’impression de manquer de densité à l'image de '12 Wings'. Le cœur de l’album semble parfois s’égarer dans des atmosphères brumeuses, un peu trop sages. Heureusement, des titres comme ‘Pulling Leeches’, capté en une seule prise pour préserver l’urgence brute, viennent rappeler ce que le groupe sait faire de mieux : allumer l’incendie sans prévenir. L’étincelle est là, mais elle ne prend pas toujours.
En conclusion, 'Shiver' agit comme une synthèse des intentions de l’album. Un morceau suspendu, tout en retenue, qui ne cherche pas à séduire à tout prix mais plutôt à laisser une impression durable. Et c’est sans doute là que réside la force - et la limite - de "The Program" : un disque en clair-obscur, plus réfléchi qu’instinctif, qui marque un tournant. On ne ressort pas bouleversé, mais intrigué. BRKN LOVE avance, expérimente, et sème les graines d’une métamorphose qui ne demande qu’à s’épanouir. Il leur reste à trouver la bonne lumière.