Imaginez un quatuor à douze cordes. Prenez le classique chant/guitare/basse/batterie, virez tout le monde, remplacez par un chant aérien, une basse 8 cordes, une autre basse, un piano électrique foncièrement psychédélique et une batterie jazzy. Secouez, rajoutez une once de Black Sabbath (juste un peu) pour le goût, un poil de Radiohead, pour la couleur, une pincée de Pink Floyd (le vrai, le corsé, pas le iophilisé pour chaîne hi-fi qu’on trouve maintenant), une grosse louche de rock à chemise fleurie et cigarette qui fait rire et servez le tout encore fumant, de préférence tard le soir, voir très tôt le matin. Un plat original qui ravira vos amis les plus blasés, les mêmes qui il n’y a pas si longtemps juraient par Saint Syd Barrett et Saint Jim Morrison que rien de bon n’avait été enregistré depuis 1973.
Si Kyuss avait décidé de faire leurs sessions dans un pub du coté Piccadilly Circus au lieu de s’exploser la tête à coup de peyote dans le désert, ils auraient peut-être coupé l’herbe sous le pied d’Imogene, mais l’Histoire-avec-un-grand-H en a décidé autrement, et c’est avec un plaisir gourmand que le premier opus de ces quatre américains se déguste. Car étrangement c’est bien de la Cité Des Anges que viennent les lascars, et non pas de la Perfide Albion comme leur son pourrait le supposer, mais il semblerait que brouiller les pistes soit pour eux un art de vivre. Il est souvent bien difficile de savoir à l’avance comment un morceau va finir, tant leurs différentes influences se percutent, parfois de plein fouet. Du très efficace Sunny Day Child, à la ligne de basse parfaite, au (presque) funky Not To Be en passant par l’hypnotique Qoth I, chaque passage est une source de confusion, mêlée d’admiration, tant la recherche mélodique est poussée parfois dans ses limites les plus extrêmes.
Le premier album auto-produit d’Imogene est donc un petit plaisir rare, une vraie bouchée d’oxygène dans un paysage musical gangrené par le conformisme et le photocopiage en règle de ses glorieux aînés. C’est donc un met subtil, raffiné, une parfaite digestion de ce que les années rock psychédélique ont engendré de mieux. Et bon appétit bien sûr...