Après l’impact de "Rakshak", qui avait mis tout le monde d’accord avec son mélange explosif de nu-metal et de sonorités indiennes, le groupe était attendu au tournant : allait-il se répéter ou franchir un cap ? La réponse est claire : Bloodywood a choisi la seconde option, en peaufinant sa recette et en la portant à un niveau technique supérieur, le groupe continue son ascension dans le paysage metal mondial.
La première chose qui frappe, c’est le son. Là où "Rakshak" avait une énergie presque sauvage, "Nu Delhi" se dresse avec une production beaucoup plus léchée. Les percussions traditionnelles, le dhol et le tabla notamment, s’intègrent naturellement aux guitares saturées, sans jamais sonner comme un gadget. Le mix est puissant, ample, presque cinématographique par moments. C’est une vraie montée en gamme.
Bloodywood n’est plus simplement le groupe indien qui mélange folk et metal. Avec "Nu Delhi", ils deviennent tout simplement Bloodywood. La fusion est fluide, cohérente et surtout revendiquée. A l'écoute de morceaux comme ‘Bekhauf’ ou ‘Halla Bol’, on sent qu’ils ne cherchent plus à prouver quoi que ce soit : ils jouent leur musique, point. Et c’est exactement ça qui leur donne une telle force identitaire. Un autre point technique marquant, c’est la façon dont les morceaux sont construits. Bloodywood reste fidèle aux codes du nu-metal (intro percutante, couplets scandés, refrains explosifs), mais ajoute des breakdowns très travaillés et surprenant par rapport à l’album précédent
Le revers de la médaille d’une identité si forte, c’est que l’album souffre parfois d’un manque de variété. Plusieurs morceaux adoptent une structure et une intensité proches, ce qui peut donner un effet de "déjà entendu" au fil de l’écoute. Et surtout, on ne retrouve pas forcément ce "tube instantané" comme ‘Gaddaar’ ou ‘Dana-Dan’ qui marquaient profondément "Rakshak". Ici, l’émotion est plus diffuse, moins explosive.
Malgré tout, ce nouvel album comporte son lot de points culminants comme ‘Bekhauf’ (avec Babymetal) qui est probablement le morceau le plus audacieux techniquement, avec un mélange de voix féminines aériennes et de riffs lourds, soutenu par une rythmique syncopée. Le mélange de deux univers si différents est une réussite en soi. ‘Halla Bol’ s’avère un modèle de construction live, avec un break percussif central qui coupe le morceau en deux et prépare un final d’une efficacité redoutable. En enfin le titre éponyme, ‘Nu Delhi’ est presque une carte de visite technique : tout est là, des arrangements traditionnels subtils aux riffs lourds parfaitement produits.
"Nu Delhi" est la preuve que Bloodywood a pris au sérieux son rôle de porte-étendard du metal indien. L’album est techniquement irréprochable, que ce soit dans la qualité du mixage, la précision des riffs ou la mise en valeur des instruments traditionnels. Mais cette perfection a un coût : l’effet de surprise se dilue, et certains titres paraissent trop similaires dans leur ossature. Même s'il ne possède pas le tube qui fera trembler les stades dans dix ans, "Nu Delhi" est un album solide, sincère et cohérent avec une identité sonore désormais indiscutable. En clair, même si l'effet de surprise a disparu, "Nu Delhi" est le fruit d'un groupe dans sa pleine maturité.