Vagabond est un groupe formé de membres du groupe norvégien de rock mélodique TNT (Ronnie LeTekro à la guitare, Morty Skaget à la basse et Dag Stokke aux claviers) ainsi que du batteur Steinar Krokstadt ex-membre du groupe Stage Dolls. Pour clôturer ce line-up on retrouve au chant un norvégien dont c’est le premier album et dont la popularité ne va cesser de croître, à savoir Jorn Lande. Car avant de passionner le petit monde du métal avec quelques chefs d’œuvre (Ark, Beyond Twilight, Masterplan), Jorn et ses amis ont sorti deux albums avec Vagabond, et il s’avère que le premier, sorti en 1994, est un classique passé presque totalement inaperçu.
Le Jorn Lande d’aujourd’hui et ses orientations métal mélodique ou progressif n’a rien à voir avec le Jorn de 1994 et 1995. Car Vagabond ne fait pas dans le métal mais plutôt dans un rock assez racé avec un côté progressif relativement volatil selon les morceaux. Découvrir Vagabond de la manière dont la fait votre serviteur, c’est-à-dire à posteriori, est une expérience étrange car tous les codes et gimmicks associés à Jorn Lande et ses albums sont remis en cause et réordonnés. Une des choses les plus marquantes est sans doute la voix du chanteur, car définitivement moins agressive que dans les productions actuelles. Cela permet à l’auditeur d’entendre toutes les possibilités de nuance du bonhomme et on redécouvre littéralement sa voix, même si le hurleur qui sévira quelques années plus tard avec Ark se fait déjà sentir. Morceaux après morceaux, on se demande jusqu’où la créativité et l’inspiration de ce groupe va nous emmener, et l’étonnement laisse place rapidement à un bonheur et un enthousiasme immense… Visite guidée.
Le format des morceaux est globalement basé sur la concision avec un seul titre long de 8:28, le reste tourne autour de 4:30. Il s’agit donc de condensés de mélodie et de créativité mais en gardant une certaine légèreté de propos. Pour effectuer un parallèle peut-être un peu hasardeux, on dira que le concept se rapproche de ce que peut faire un groupe comme A.C.T. en un peu moins progressif quand même. Pas si hasardeux que ça finalement quand on écoute le très jubilatoire 'I Believe InWonders' et le polyrythmé 'We Bring The Sun To You'. Ce dernier morceau, dont le riff est très efficace, voit son couplet ralentir en prenant un rythme reggae et repartir pour un refrain que n’auraient pas renié les suédois sus-mentionnés. Les étranges mariages harmoniques que l'on retrouve dans ce disque atypique ne sont pas si étonnants que cela quand on connait un peu le travail solo de Ronnie LeTekro.
Référence plus étonnante encore avec la pièce 'Gold In The Air' qui fait cohabiter Queen et Pink Floyd le temps des huit minutes du morceau. Le superbe solo de la deuxième partie du morceau nous rappelle le toucher d’un certain David Gilmour. D’ailleurs le morceau 'I Believe In Wonders' nous fait penser à Queen à certains moments par sa fraîcheur.Le mid-tempo 'Silent Woman Sheila' nous ramène quant à lui à la meilleure époque de Toto avec ces chœurs bien inspirés. Au delà de ces quelques références bien digérées, Vagabond a sa propre signature mais difficilement classable : notamment 'Automatic', délire harmonique avec sa structure vocale et rythmique très élaborée. De manière générale, les riffs de guitare du guitariste de TNT sont inventifs (le funky 'Let Go, Let Go', 'We Bring the Sun To You') avec l’utilisation intelligente d’effets ; chaque chanson possède son solo plein de toucher ('ThunderBlunder' , 'Key To The Rainbow'…) et les refrains sont d’une grande créativité et d'une belle richesse harmonique ( 'Key To The Rainbow', 'Do You Like It'…). A ce propos, le travail de Jorn sur les harmonies vocales est tout bonnement splendide et ne sera jamais démenti sur ses futures réalisations.
Voilà donc un album enthousiasmant et réjouissant et je ne saurais que trop vous conseiller de jeter une oreille sur celui-ci pour vous faire votre propre idée. La production n’est pas parfaite mais n’a pas trop mal vieillie et elle rend bien compte de la nature instinctive de l’album. Malheureusement ce premier jet de Vagabond, devenu culte, est quasiment introuvable, en tout cas à un prix non prohibitif.