Faut-il encore présenter Glass Hammer, groupe fondé il y a un peu plus de trois décennies par Steve Babb et Fred Schenkel, et auteur à ce jour de plus d'une vingtaine d'albums ? Fortement marqué par la musique de Yes et adepte de concepts majoritairement liés à l'Heroic Fantasy, le duo a toutefois fait évoluer son style en fonction des différentes histoires avec leurs derniers albums en date portés par une musique résolument métallique.
Avec "Rogue", nouvel album conçu par le seul Steve Babb (Fred Schenkel n'intervient que sur deux titres), la narration s'éloigne quelque peu de cet univers pour conter la quête d'un homme rongé par le désir et le regret, lancé à la reconquête de son amour perdu, le tout illustré par un magnifique livret. Quant à la musique, elle revient à un progressif plus conventionnel, laissant de côté le metal des dernières productions.
'What If' débute l'histoire de manière plutôt joyeuse et lumineuse, tel un mélange savoureux de Moon Safari et d'un Yes moderne. Et si l'influence de ce dernier groupe reste présente, notamment par les différentes parties de guitare lap steel qui parsèment l'album ou encore la basse régulièrement chantante, elle se révèle bien moins prégnante que lors des premières productions du groupe. Groupe protéiforme, Glass Hammer est ainsi capable de produire un titre comme 'Pretty Ghost', sur lequel se mélangent des éléments de progressif traditionnel (basse à la Chris Squire, claviers vintage dans un premier temps puis typés 1980's ensuite) et une mélodie résolument pop portée par la voix au contours enfantins d'Olivia Tharpe, mais également de nous embarquer dans un envoûtant voyage de plus de sept minutes aux arrangements symphoniques somptueux ('The Wonder of it All').
De son côté, 'I Will Follow' et sa mélodie immédiate emmène l'auditeur vers les contrées new wave si bien portées naguère par des formations comme James, Noiseworks ou encore Simple Minds, pour un titre aux allures de single totalement addictif, dans lequel les voix masculines et féminines se mêlent avec bonheur. Et pour terminer d'illustrer le côté totalement éclectique de ce nouvel album, il est impossible de passer sous silence les dix minutes de 'Terminal Lucidity'. Positionné après 'One Last Sunrise', un court instrumental qui tourne très vite en rond, ce titre épique débute par une introduction répétitive qui emmène ensuite le morceau vers une montée en puissance progressive pour se terminer en un maelstrom sonore, jouant sans vergogne sur les terres habituellement arpentées par Ozric Tentacles. L'album se conclut de manière plus classique par un dernier titre épique symphonique, mettant là encore en avant un éclectisme de bon aloi, les thèmes et les orchestrations s'enchaînant avec bonheur.
Si Glass Hammer a pu dérouter par le passé les amateurs d'un rock progressif ancré dans les schémas des années 1970's par une évolution métallique assumée, "Rogue" devrait sans problème les ramener à bord du bateau et les rameuter de nouveau à la cause de Steve Babb et sa bande, tout en contentant également les adeptes de modernité.