Parmi les stakhanovistes du rock, Neal Morse s'inscrit sans conteste en tête du peloton tant ses sorties en nom propre ou au sein de groupes à la durée plus ou moins éphémère se succèdent. A ce jour, un passage rapide sur sa fiche Wikipedia permet de recenser plus d'une cinquantaine d'albums studio, et ce en l'espace de trois décennies depuis sa première publication avec Spock's Beard. Depuis le début du nouveau millénaire, un thème quasi-unique sert de support à l'essentiel de sa discographie, à savoir son rapport intime à la religion. Et ce nouvel opus au nom de groupe évocateur s'inscrit dans la même lignée, son ode au créateur supposé se matérialisant de manière plus ou moins directe dans les textes de "Deep Water", avec une supplique directe trouvée en fin d'opus indiquant : "I sing for Jesus, it was for me He died". Tout est dit.
Musicalement, Neal Morse s'est entouré de vétérans de la scène progressive, véritables pointures réunies en vue d'un feu d'artifice musical décliné en treize plages, les neuf dernières s'enchaînant pour former une suite titre de près de 40 minutes. Aucun doute sur la capacité de tout ce beau monde à nous délivrer une musique foisonnante et emplie de virtuosité à tous les étages. Un premier titre épique ouvre les hostilités porté par une basse ronflante. Très typée 1970's, son entame instrumentale rappelle dans un premier temps The Fyreworks (le projet one-shot de Rob Reed) ou encore The Flower Kings. L'arrivée du chant fréquemment doublé voire triplé remet le chien au milieu du village, déclinant des thèmes multiples entrecoupés de ponts instrumentaux permettant aux protagonistes de démontrer toute leur virtuosité, dans un style typique des productions nealmorsiennes.
La suite de l'opus voit notre prêcheur prendre quelques libertés avec son style habituel, adoptant un ton parfois plus léger comme sur 'Time to Fly' et son refrain aux allures de single entêtant, incorporant des sonorités bluesy/jazzy, ou encore 'I Won't Make it', ballade basée sur une structure couplet/refrain et un accompagnement symphonique qu'un Phil Collins en solo n'aurait pas dénigré.
Néanmoins, chassez le naturel et il revient au galop. Justifiant leur pédigrée, les musiciens trouvent par la suite de nombreux passages qui leur permettent de démontrer toute leur dextérité, que ce soit dans le syncopé 'Walking in Daylight' ou dans son alter ego 'New Revelation' : rythmiques techniques, basse tour à tour chantante ou carrément funky, soli de claviers ou de guitare, le quatuor rivalise de dextérité et emmène l'auditeur dans un tourbillon progressif tournant certes quelquefois à la démonstration ('Nightmare in Paradise' qui traîne en longueur') mais parvenant systématiquement à retenir l'attention par le biais d'un nouveau thème ou d'un nouveau break instrumental.
Loin de se contenter d'une énième redite, Neal Morse nous offre une nouvelle œuvre de haut niveau, portée par un quatuor de vétérans n'ayant plus rien à prouver. Si le propos une nouvelle fois très orienté peut finir par lasser (du moins pour les anglophones avertis), la musique quant à elle ne souffre d'aucune contestation possible quant à sa qualité et son intérêt, surfant dans les traces notamment de Transatlantic.