"Unia" est ce que nos amis traducteurs nomment un faux ami. En effet, s’il est très similaire avec le mot "union", il s’avère que ce terme finnois trouve son pendant français dans le mot "rêve". A bien y réfléchir, ce titre sied à merveille au petit dernier de la bande à Tony Kakko. On le sentait poindre depuis "Winterheart’s Guild" où le rythme s’était déjà considérablement ralenti. Bien sûr, des brûlots de speed dans la pure tradition Stratovariusienne subsistaient, en attestent les "Victoria’s Secret" et autres "Wildfire", mais de plus en plus de mid-tempo jalonnaient les derniers albums. Avec "Unia", la rupture est totale puisque plus aucun titre véloce, ayant grandement contribué au succès de jeunes loups, n’est présent. A la place, chaque élément ayant fait son apparition au fil des albums se voit ici développé à l’extrême. Ainsi, les chœurs, qui se sont faits de plus en plus soutenus à mesure des dernières réalisations du combo, sont désormais omniprésents. De même, les arrangements chiadés ainsi que les structures alambiquées de précédentes pièces, très prog dans l’esprit, sont ici repris à foison.
Evidement, cette nouvelle approche ne se fait pas sans heurts, aussi la complexité des nouvelles compo d’"Unia" se fait au détriment de la spontanéité et de l’aspect tubesque des titres d’antan tels que "Fullmoon" ou "Blank File". Mais en dépit de ces diverses réorientations, Sonata Arctica n’a pas pour autant renié ses origines metal. Les morceaux sont certes plus lents mais toujours très heavy. A ce titre, "In Black and White" ouvre l’album avec une agressivité aussi étonnante que jouissive. La véritable usine à mélodies qu’est devenu Sonata tourne toujours à plein régime et nous distille tout au long de cet "Unia" de véritables pépites de heavy d’un genre nouveau. En classique en devenir, citons "It Won’t Fade" et son break sublime, "Caleb", prologue de la trilogie entamée avec "The End Of This Chapter", au refrain magnifique, bien qu’il ne soit dit qu’une fois (quand on parlait de construction alambiquée…) et enfin, le déjanté "My Dream’s But A Drop Fuel For A Nightmare" et ses chœurs survoltés, véritable hommage au "Bohemian Rhapsody" de Queen. A bien des égards, cet album rappelle d’ailleurs "A Night At The Opera". Celui de Queen donc, dont Tony Kakko assume pleinement l’influence, mais aussi celui de Blind Guardian de par la réorientation musicale amorcée, faite d’une surenchère d’arrangements et de chœurs. Aucun titre faible n’est à déplorer. Beaucoup demandent plusieurs écoutes pour être pleinement appréciés mais cela assure à l’album une excellente durée de vie. La seule doléance à émettre concerne "Under Your Tree" qui, s’il contient une belle mélodie et des paroles touchantes, confine tout de même à la mièvrerie.
Loin du rôle de crécelle qu’il campe depuis des années en bon clone de Timo Kotipelto, le père Kakko varie désormais son chant comme jamais. D’une hargne étonnante sur des compo comme "In Black and White" ou "The Vice", l’homme brille également sur les titres à l’émotion palpable d’un "Good Enough Is Good Enough" ou du très beau "The Worlds Forgotten, The Worlds Forbidden". Quant à ses acolytes, ils ne déméritent assurément pas. Le plus étonnant est sans doute Marko qui ne s’était jamais fait entendre de la sorte, sa basse ronflant comme jamais. Henrik aux claviers ratisse aussi énormément et nous alimente d’excellentes nappes d’ambiances et de lignes superbes sur "Paid In Full" ou "Caleb". Enfin, le virtuose Jani propose une prestation plus nuancée qui sert d’avantage les ambiances. D’aucuns regretteront les riffs d’extraterrestres dont il nous abreuvait par le passé, comme sur "8th Commandement" ou "Wolf And Raven", mais de superbes soli et autres duels guitare/clavier perdurent pour le bonheur des fans de la première heure qui n’auront pas quitté le navire après ce changement de cap radical.
Alors que pendant longtemps, associer Sonata Arctica au speed metal relevait pour ainsi dire du pléonasme, le nouveau visage qu’arbore nos Finlandais avec ce "Unia" n’a que peu de rapport avec son glorieux passé. Mais ce revirement de style apporte une fraîcheur salutaire au monde du heavy metal mélodique. Contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, Sonata Arctica, n’est plus synonyme de speed metal mais s’est mué en un néologisme des plus somptueux.