Pas facile de pénétrer l’univers des Flower Kings ! Depuis maintenant plus de trente ans, les Suédois proposent, sous la houlette de leur fondateur et guitariste Roine Stolt, un progressif éclectique et parfois complexe. Avec une formation stable depuis quelques albums, le groupe propose un "Love" dans la continuité des albums précédents.
Les Flower Kings n’ont visiblement pas l’intention de changer leur(s) manière(s) : menu très copieux (plus de 76 minutes !), style immédiatement identifiable tant vocalement qu’instrumentalement, rappelant fortement Yes par la tessiture de Hasse Fröberg, par le jeu de basse très présent ou par le côté décousu des compositions. Les Suédois n’aiment pas la monotonie, ce qui conviendra évidemment aux amateurs de progressif, mais ils déroulent des titres qui partent dans tous les sens, à l’image de l’introductif ‘We Claim to the Moon’ qui donne immédiatement une impression de bazar très bien organisé : les musiciens sont impeccablement en place et exsudent le plaisir de jouer ensemble, les arrangements envahissent le moindre espace et il y a une variété très appréciable dans le choix des sonorités, le tout n’hésitant pas à plonger dans des parties jazzy ou foraines inattendues.
Revers de la médaille : le style expose à une perte de continuité dans l’écoute qui ne facilite pas la prise en mains : un titre court comme ‘World Spinning’ passe de l’intro génesienne à des synthés qui évoquent Peter Bardens (Camel), ‘Kaiser Razor’ gambade sur un rythme impair avec une belle liberté de ton, et même ‘The Elder’ avec ses 11 minutes désarçonne en permanence, l’auditeur en sortant avec l’impression de n’avoir pas pu identifier un thème porteur. Il faut attendre l’excellent conclusif ‘Considerations’ pour se voir offrir un solo de guitare qui va au-delà du pont de quelques secondes.
Evidemment, avec une heure et quart de musique, "Love" n’échappe pas aux excédents dispensables : ‘The Rubble’, ‘The Phoenix’ ou ‘The Promise’, placés en milieu d’album, font office de ventre mou. A l’inverse, le titre ‘Love’ relance efficacement la machine avec une belle évolution dans un pur esprit progressif. Et puis, il y a le côté un peu appuyé de certains effets de guitare (‘Walls of Shame’) et l’interprétation vocale légèrement surjouée (‘The Promise’) qui constituent autant de petits agacements (subjectifs) qui limitent quelque peu le plaisir d’écoute.
Ainsi, comme souvent avec The Flower Kings, l’auditeur sort de “Love” avec une certaine frustration, coincé entre l’évidente qualité du jeu des musiciens, le côté discontinu des titres et le potentiel indubitable des compositions. L’amateur de progressif, curieux par nature, sera toutefois bien inspiré de s’y intéresser, car il y a plein de bonnes choses à découvrir dans ce "Love" en dépit de son aspect irrégulier.