Kamyky nous avait régalé de deux albums instrumentaux, "Sleepy Cities" (2021) et 'Coal Rock' (2022), deux voyages au long cours dans un univers post-rock tourmenté, chaotique mais nimbé de lumière. Kacper Burda, originaire de la ville de Glogow, située à l'ouest de la Pologne, est l'homme-orchestre émérite de ce projet. Trois ans plus tard, la trilogie est enfin complète avec "Shortcuts".
Témoin d'un humour pince sans rire, l'album s'ouvre sur une courte piste anxiogène intitulée 'Intro To Skip', une “intro à sauter” lors de l'écoute (ne suivez pas ce conseil !) et clôt son album sur un autre titre aussi pittoresque 'Nobody Gets That Far' (“Personne n'arrive aussi loin”). Avec un 'Resonant Skies' mâtiné d'ambient, Kamyky se place directement en terrain connu mais lugubre à l'image de cette pochette bleue. La batterie est d'une minutie prodigieuse, la basse crache un son caverneux, la guitare poursuit l'auditeur de ses larsens entêtants et tranchants. Les claviers, plus insistants sur le précédent album, jouent un rôle prépondérant : sur 'Lucid Dreams About Nothing' ils ressemblent à la mélopée d'anges célestes et apportent un peu de profondeur. Les morceaux s'apparentent à des figures géométriques longues et effilées et nous invitent à suivre la cinématographie d'un esprit dément.
Parmi les réussites de ce voyage au plus profond d'une conscience noire, 'Unrevealed' se présente comme une marche vertigineuse au bord de l'abîme. Le morceau révèle petit à petit (progressivement !) tous ses atouts. 'Calm Piece' offre comme son titre l'indique une fraîcheur teintée de nostalgie, avec une guitare acoustique et le coassement de grenouilles. 'Streets' joue sur des accélérations et des ralentissements de tempo porté par une section rythmique endiablée. La nature instrumentale de la musique de Kamyky, bien que rompue sur '1,2,3' sur lequel une voix énumère les trois chiffres du titre, peut se révéler quelque peu éprouvante, donnant l'impression (fausse) que chaque morceau provient du même moule. La durée de 38 minutes peut néanmoins apparaître suffisante pour conjurer ce sort.
"Shortcuts" se présente comme un excellent album instrumental, capable de stimuler l'imagination passant de la lumière aux ténèbres en un clin d'oreille. Plusieurs écoutes sont nécessaires pour que chacun puisse faire son propre court-métrage dans sa tête.