Depuis ses débuts, Auri s’est imposé comme un projet parallèle singulier, loin des fastes de Nightwish, où Johanna Kurkela, Tuomas Holopainen et Troy Donockley donnent libre cours à une musique intime et sensorielle. Avec “III – Candles & Beginnings”, le trio franchit un cap : non pas en changeant de direction, mais en affinant son art de la narration, dans une atmosphère qui ressemble à une clairière hors du temps.
Le début de l’album a quelque chose de fantomatique, presque vaporeux. 'The Invisible Gossamer Bridge' se déploie comme une scène de film de Tim Burton : brumes, silhouettes évanescentes, lueurs dans l’obscurité. La voix cristalline de Johanna flotte entre ombre et lumière, comme provenant d’un monde parallèle. 'The Apparition Speaks' et 'I Will Have Language' poursuivent ce climat spectral, jouant sur des textures étranges et mystérieuses qui laissent l’auditeur suspendu entre fascination et inquiétude.
Puis, par touches progressives, la lumière s’installe. 'Oh, Lovely Oddities' apporte un charme espiègle, avant que 'Libraries Of Love' n’ouvre une respiration solaire, délicatement orchestrée. À mesure que l’album avance, les paysages sonores gagnent en densité : 'Blakey Ridge', inspiré d’un lieu cher au groupe, prend des allures de souvenir intime, tandis que 'Helios' s’élève comme une incantation tournée vers le ciel.
La montée en intensité culmine avec 'Shieldmaiden', pièce maîtresse du disque, où la force évocatrice d’Auri atteint un sommet. Enfin, 'A Boy Travelling With His Mother' referme l’album sur une fresque longue et hypnotique, véritable voyage intérieur où se mêlent fragilité et grandeur. Ce final agit comme une épreuve sensorielle, condensant toute la poésie et la profondeur du projet.
Ce troisième opus se distingue moins par une recherche de contraste que par une cohérence envoûtante. Auri maîtrise désormais parfaitement l’art de suggérer : chaque morceau est une vignette sonore qui esquisse une histoire, un lieu, une émotion. Plus qu’une succession de chansons, “III – Candles & Beginnings” s’impose comme un récit musical, à la fois éthéré et viscéral, où la beauté se révèle dans le détail.
En définitive, “III – Candles & Beginnings” confirme la singularité d’Auri. C’est un album finement ciselé, empreint de délicatesse et d’étrangeté, qui enveloppe l’auditeur dans une bulle sonore où le temps s’étire. Mais c’est aussi une œuvre qui demande de l’abandon : celui qui cherche des refrains immédiats ou une énergie frontale risque de rester à distance. Plus proche d’une expérience contemplative que d’un disque fédérateur, ce troisième chapitre séduira surtout ceux qui se laissent happer par son atmosphère vaporeuse et son imaginaire narratif. Pour les autres, il restera sans doute une curiosité, belle mais insaisissable.