Trente ans après ses débuts, Kyo poursuit sa trajectoire avec une constance qui force le respect. Sans renier leur ADN, les quatre musiciens continuent d’explorer ce territoire entre ombre et lumière, entre pop fédératrice et rock émotionnel. "Ultraviolent" s’inscrit dans cette lignée : un disque pensé comme un miroir de notre époque, à la fois tendu et contrasté. Un album où l’intensité des sentiments se confond avec celle d’un monde toujours plus chaotique, mais que Kyo choisit de raconter avec douceur et lucidité.
Le morceau-titre, qui ouvre l’album, en donne le ton : nerveux mais mesuré, il illustre bien cette tension entre intensité et contrôle. Chez Kyo, la violence est avant tout émotionnelle - celle de la passion, de la chute, du manque - autant de thèmes familiers que le groupe aborde avec une maturité évidente. 'K17' enfonce le clou avec son énergie fédératrice, un refrain taillé pour la scène et une pointe d’autodérision bienvenue. Dans ses montées d’intensité et ses guitares tranchantes, on pense parfois à Thirty Seconds to Mars, ou même à la flamboyance maîtrisée d’un Imagine Dragons. Mais derrière cette vigueur, rien de réellement abrasif : le cri reste contenu, poli par une production léchée.
Le cœur de "Ultraviolent" se trouve dans ses contrastes. 'Hors du Temps' et 'Les Amants' renouent avec la veine sentimentale du groupe, entre tendresse et nostalgie. À l’inverse, 'Formidable' et 'Soleil Noir' explorent une facette plus électronique, signe d’une ouverture vers des sonorités modernes sans renier les guitares. Ces ambiances aériennes évoquent parfois Coldplay dans leur versant le plus contemplatif. Le travail des jeunes producteurs apporte un souffle neuf, même si l’ensemble reste plus policé que novateur. On sent la volonté d’actualiser le son sans perdre l’essence Kyo - un pari réussi sur la forme, moins sur la surprise. Côté textes, Benoît Poher assume une écriture plus directe, parfois désarmante, là où l’ancien Kyo enveloppait ses émotions d’images poétiques. Ce dépouillement fonctionne bien sur les titres les plus sincères, mais laisse par moments un sentiment d’uniformité. Le groupe semble préférer la solidité à la rupture, la constance à l’audace.
En somme, "Ultraviolent" ne changera ni l’image ni le destin de Kyo, mais confirme un savoir-faire : celui d’un rock accessible, honnête, calibré pour le live. Un album sans éclat démesuré, mais sans faux pas non plus. On aurait aimé être davantage bousculé mais ce n’était sans doute pas le but. Kyo trace sa route, tranquille, en assumant ce qu’il est : un groupe qui, trente ans après, continue à faire battre le cœur de ceux qui ne lui ont jamais tourné le dos.