Nous n’étions pas préparés. Certes entre un premier long ("Fang Temple", 2021) et des performances live atomiques, Temple Fang s’est d’emblée imposé parmi les groupes les plus excitants surgis ces dernières années, dans une veine progressive et psychédélique qui le rapproche de son compagnon de label, Elder, le chant en (beaucoup) plus. Certes. Mais, autant l’annoncer immédiatement, "Lifted From The Wind" propulse les Hollandais encore plus haut, à tel point qu’il est déjà légitime de se demander comment ils pourront au moins faire aussi bien la prochaine fois. Nous n’en sommes pas encore là. Pour le moment, savourons comme il le mérite ce disque dont on voit mal par ailleurs qui pourrait le détrôner sur la première marche du podium des meilleurs albums de 2025. Ni plus ni moins.
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, il faut savoir que Temple Fang n’est pas composé d’inconnus puisque formé par deux anciens membres de Death Alley, le guitariste (et chanteur) Jevin de Groot et le bassiste Dennis Duijnhouwer, rejoints par le batteur Jasper van de Broeke (qui a depuis été remplacé) et surtout le guitariste Ivy van der Veer, petit bonhomme au corps tatoué dont la folle énergie fait de lui une véritable dynamo vivante. Des morceaux très longs (20 minutes en moyenne) propices aux jams dantesques où une rythmique du feu de dieu s’adosse à des riffs orgasmiques sur un tapis vocal éblouissant signent une identité aussi généreuse que vivifiante.
Mais alors que son devancier arborait une certaine dureté, "Lifted From The Wind" lui préfère une approche plus atmosphérique sinon émotionnelle. Et donc plus belle encore, presque cosmique dans sa quête d’Absolu. Avec ses dix-huit minutes au compteur, ‘The River’ lance l’écoute de la plus grandiose des manières, pavé tout en progression d’une créativité et d’une virtuosité insolentes dont la seconde partie, tendre et veloutée, touche au sublime, portée par la voix bouleversante de Jevin de Groot. Plus étiré encore, ‘Once’ chemine le long d’un chemin accidenté aux confins d’un happening expérimental.
Grondant d’une force dramatique et suivant une trame curieuse, ‘Harvest Angel’ réussit l’équilibre parfait entre émotion du chant (qui n’est pas sans rappeler Pain Of Salvation), lignes de guitares épurées et percussions tour à tour mordantes ou soyeuses. Etonnamment, le point G est atteint par le morceau le plus ramassé du lot (tout est relatif), ‘The Radiant’, qui imprime une efficacité aussi hypnotique que teigneuse, bijou d’écriture dont le refrain file des frissons. Retour au format épique avec ‘Josephine’ qui ferme le ban sur une note délicate et floydienne voire jazzy qui ne l’exonère pourtant pas d’une certaine rugosité crépusculaire.
Alliant puissance et beauté, émotion et brio, "Lifted From The Wind" fait plus que confirmer le talent de Temple Fang, point de rencontre de quatre musiciens touchés par la grâce.