Que celui qui n'a jamais assisté à un concert du plus grand groupe français de rock se dépêche de réserver sa place pour un prochain voyage dans la galaxie angélique : certes, la musique d'Ange respire l'immortalité, mais le dernier survivant de la formation originale commence à se faire vieux ! 35 ans que cela dure comme il le claironne fièrement à chaque représentation, tel Moïse revenu des eaux torturées du rock. Et franchement, même si l'on sent que le groupe survivra à son créateur, on n'a vraiment pas envie que cela s'arrête.
Oh certes, les derniers albums du groupe oublient un peu l'esprit musical originel de la formation, la faute au temps qui passe et à l'évolution de la société, qui se goinfre de bruit toujours plus baroque. Impression d'ailleurs ressentie lors de l'interprétation des titres de "?", sur lesquels le groupe a du mal à se lâcher (en-dehors du tonitruant "Cœur à Corps") et le public à manifester son enthousiasme.
Il n'empêche, passée une déclamation caricaturesque de ce qui reste du premier album d'Ange et un banal "Couteau Suisse", les premiers accords de clavier de "l'Apprenti Sorcier" réveillent les souvenirs et la machine s'emballe. D'ailleurs, hormis "?" présent par le biais de 6 titres, promotion du dernier album oblige, et un "Quasimodo" dantesque proposé en bonus (mais tiré de la même performance), la set-list de ce concert ne comprend que des titres tirés de l'Ange release 1.x., dont "Harmonie", tiré de "Fou", que je découvre pour la première fois dans un concert du groupe.
Et les jeunes "fils" du père Christian s'y entendent à merveille pour redonner un coup de jeune à ces pépites intemporelles. Faut vous dire monsieur, que chez ces gens-là, on n'triche pas monsieur, non, on n'triche pas … on joue ! Et sacrément bien.
D'abord, d'abord y'a Thierry, bassiste plein de groove et d'humour au jeu de jambes très personnel ! Faut vous dire monsieur, que jouer avec Caroline dans sa ligne de mire, ça doit pas être simple à assumer tous les jours !
Et puis, et puis y'a Benoit, le p'tit nouveau derrière les fûts qui doit assumer la lourde succession d'Hervé Rouyer. Plutôt serein même s'il lui manque un petit grain de folie pour se mettre à la hauteur de ses partenaires. Question de temps probablement.
Et puis, et puis y'a Hassan, guitariste tellement surdoué (quelle performance sur "Billy" !) qu'il en jouerait la toccata de Bach sur sa six cordes. Quelle maîtrise dans le saut de kangourou en mesure avec la musique !
Et puis, et puis y'a Caroline, la woman touch' du groupe en version 2, qui apporte son timbre de mezzo et ses chorégraphies décalées ("Vu d'un Chien" !). Un peu sous-employée à mon goût.
Et puis, et puis y'a Tristan, claviériste génial dont la folie semble héritée de son oncle Francis, son pendant dans la version 1. Avec en bonus une voix de plus en plus affirmée, voire même inouie. "Quasimodo" en vocalises façon Callas ça vous tente ? L'héritier du groupe est là.
Et puis, et puis y'a le père, qu'est pas dans son cadre en bois, et qui entraîne le troupeau dans son sillage. A 60 ans passés, la voix est toujours aussi chaude et le verbe toujours aussi poétique et acéré.
Durant près de 2 heures, Ange nous entraîne ainsi dans une farandole d'émotions en tout genre, que le visionnage des 20 minutes de "Cap'tain Cœur de Miel" (tiré d'une convention à Bergerac) viendra clôturer en fanfare.
La réalisation de Didier Léonard est sobre mais efficace et profite à plein de la grande scène sur laquelle évolue le groupe. La bande son est disponible en stéréo et 5.1. Dans sa première déclinaison, il est tout simplement parfait, le mixage final parvenant même à proposer des effets tournants (notamment au niveau de la batterie).
Après une telle baffe, que dire de plus que ce qui m'a servi d'introduction à cette chronique : Ange est à mes yeux le plus grand groupe de rock français. Que ceux qui peinent à s'en convaincre commencent par visionner ce film, se rendent ensuite sans tarder dans une salle et se laissent emporter dans l'univers angélique de ce groupe hors norme. Et comme tous les "imbibés" (le surnom des fans d'Ange), quand Christian Décamps entonnera le traditionnel "Mais il est tard Monsieur, faut qu'je rentre chez moi", il vous sera difficile de redescendre sur terre.
A noter que le DVD est également accompagné d'un CD reprenant 11 titres du concert, et notamment le sublime "Le Chien la Poubelle et la Rose", inexplicablement absent de la discographie studio du groupe (la première apparition de ce morceau se trouve sur Tome VI).