Coroner, le groupe culte des années 1980's et du début des années 1990's, a forgé un style et donné ses lettres de noblesse au techno-thrash : le trio a écrit les plus belles pages du style avec des albums majestueux comme “No More Color” ou “Mental Vortex”. La formation a ensuite entamé avec “Grin” une mutation qui a troublé les fans, certains regrettant la nouvelle orientation plus heavy. A l’apogée de sa reconnaissance, le groupe s’est plongé dans un silence pendant trois décennies alors que les rumeurs, vraies ou fausses, annonçaient le retour du messie. Pendant ce ce temps Tommy Vetterli a joué avec Stefan Eicher ou dans le groupe de metal alternatif 69 Chambers aux côtés de son ex-femme Nina. Cette échappée solitaire a permis au guitariste non seulement d’élargir son répertoire, mais aussi de trouver son nouveau batteur Diego Rapacchietti. Ce hiatus gigantesque a-t-il émoussé la hargne et le talent de Coroner ?
Il a fallu attendre trente ans pour retrouver Ron et Tommy redonner un nouveau souffle au groupe. Le premier single (‘Renewal’) dévoilait déjà un sacré potentiel, car retrouvant les ingrédients de “No More Color” ou de “Mental Vortex” : riff acérés, batterie rapide et voix agressive déclamant une poésie noire. Tout était donc réuni pour que cette nouvelle production soit une explosion ou un chef-d'œuvre discographique.
"Dissonance Theory" propose à nouveau les ingrédients chers au cœur des fans : ambiances sombres et guitares solitaires rapides aux mélodies envoûtantes (‘Trinity’). Le disque est introduit par une piste d’ambiance sombre et inquiétante. Suit un ‘Consequence’ excellent, hargneux et malsain. Ces deux premiers titres prouvent que les musiciens sont au meilleur de leur forme. Le groupe tente parfois un léger pas de côté, en ralentissant le tempo sur certains titres et renouant avec des influences groove metal du mal aimé “Grin”. C’est le cas de ‘Sacrificial Lamb’ soutenu par des riffs lourds qui s’étirent en longueur. Peut-être sont-ce des réminiscences de l’expérience 69 Chambers avec des parties résolument plus heavy ou parfois quasiment doom. Ce titre tente de s’éloigner des structures habituelles par son effusion de puissance.
Le disque navigue entre titres attendus, mais toujours captivants et très bien joués (‘Symmetry’), et de légers écarts tels ‘Crisium Bound’ qui laissent entrevoir un nouveau chemin moins fréquenté : guitares plus lourdes et plus épaisses, rythmes moins carrés ornés de syncopes (‘The Law’). Enfin, le titre ‘Prolonging’ semble nous laisser entrevoir une suite possible et tendre vers une nouvelle mutation, incorporant un Hammond qui colle à merveille aux riffs teigneux.
“Dissonance Theory” est excellent mais semble trop vouloir trop prolonger l'expérience “Mental Vortex”, laissant un étrange sentiment à son écoute, comme une sorte de dissonance cognitive (le cœur pousse à l’adorer alors que l'esprit freine les ardeurs). L’album renoue à merveille avec le style du groupe : chant agressif, rythmes percutants et guitares étonnantes. Mais c’est un disque de Coroner dans la pure tradition de “No More Color” : peu d'inattendu, même si le groupe alourdit parfois son propos, ajoute de petites nouveautés ou construit quelques titres à tiroirs. Le fan espérait que la formation tente autre chose, car le thrash technique à bien évolué depuis trois décennies. Peut-être que l’expérience “Grin” a refroidi les ardeurs du groupe et qu’il est conscient que les fans l’attendent au tournant. Quoi qu'il en soit, le thrash technique de Coroner est toujours vivant, il convient donc de célébrer ce retour de la meilleure manière qui soit : en écoutant sa musique en boucle !