Contrairement à son voisin de Suède où il suffit de se baisser pour en cueillir des échantillons, la Finlande n’est pas une terre particulièrement fertile en groupes de rock vintage, gainés de chant féminin a fortiori. Voilà déjà une (bonne) raison pour s’intéresser à Mandy Manala. Ce n’est pas la seule, nous y reviendrons.
Le nom de ce quintet pourrait aussi être celui de sa chanteuse mais ce n’est pas le cas. Christa Nedegard n’en constitue pas moins l’évidente clé de voûte et celle vers qui oreilles et regards sont naturellement braqués, comme toujours lorsqu’une fille trône dans un groupe. Sa voix teigneuse et sensuelle tout ensemble, associée à une plastique avantageuse, la placent d’emblée parmi les prêtresses les plus douées surgies ces dernières années.
Mais ses atouts, essentiels certes, ne suffisent pas à faire un très bon groupe, capable de s’extraire du tout-venant. Or Mandy Manala en est justement un. Une écriture impeccable, une habileté certaine, fruit de la longue expérience acquise par ses divers membres et une envie d’en découdre lui fournissent les griffes pour faire très mal. Etiqueté "occult rock" (ce n’est pas très original) et annonçant des influences qui courraient de Ghost à Fleetwood Mac, de Bathory à Abba, de Black Sabbath à Darkthrone (ce qui l’est nettement plus mais pas très juste), le groupe bétonne surtout du rock tout court, moins nostalgique que prévu, plombé et fédérateur le plus souvent.
Qu’il reprenne le ‘Black Sheep’ de la chanteuse néo-zélandaise de jazz folk Gin Wigmore n’est d’ailleurs pas un choix anodin, en cela qu’il dit beaucoup d’une musique dont la puissance n’a égale que son feeling bluesy et torride. Dressant une inspiration et une assurance effrontées, ce premier jet a le bon goût d’être simple et direct, bâti sur de pesantes et rugueuses fondations que viennent caresser les lignes vocales magnétiques de la jeune femme.
Fonçant parfois pied au plancher (le rageur ‘From Whence You Came’ qui sent bon l’huile de vidange, ‘War Drums’), les Finlandais préfèrent néanmoins les tempos plus chaloupés, les coups de reins lascifs, témoin les redoutables ‘Stillborn’ ou ‘Time Machine’. Mais le format épique ne les effraie pas davantage, comme l’illustre en fin de parcours ‘When We Rode Out To War’ dont les neuf minutes évitent de s’égarer en posant le cadre d’une belle montée en puissance, preuve que le groupe de Vaasa se révèle déjà maître de son art.
Alors que les attentes à son sujet étaient au départ modestes, eu égard au style qu’il revendique désormais, aussi encombré qu’une rame de métro parisienne aux heures de pointe, Mandy Manala démontre avec classe et énergie ravageuses qu’il n’est pas le simple suiveur d’une mode, aussi jouissive soit-elle, mais au contraire un jeune pousse prometteuse dont on devine que ce premier album ne fait que déflorer le juteux potentiel.