Cela fait maintenant quelques années que les femmes ont pris le pouvoir dans le metal, quelque soit sa forme. Nul ne s’en plaindra. Corolaire de cette victoire, l’alliage entre gros riffs et chant féminin n’étonne plus et les groupes qui possèdent une réelle identité ne sont finalement pas si nombreux. Remarqué par le puissant Nuclear Blast, Gaupa fait partie des rares élus, ce qu’il doit évidemment beaucoup à sa formidable chanteuse Emma Näslund dont le lyrisme habité des performances vocales ourlées d’une mélancolie froide font d’elle une sorte de Bjork version doom / stoner, étiquette néanmoins réductrice.
"Fyr" n’est pas à proprement parler le successeur de l’acclamé "Myriad" (2022) mais un mini album. Si généralement ce type de format court permet aux artistes d’écouler des compos restées sur le carreau ou de faire patienter les fans, celui-ci est bien plus que cela. Certes, l’opuscule ne propose que quatre titres que complète une longue piste live (mais en studio), il n’en marque cependant pas moins à bien des égards une étape importante dans la carrière de Gaupa.
Visuellement déjà, la pochette de cet EP se démarque de celles de ses prédécesseurs, qui étaient colorées et figuraient toutes l’animal (le lynx) qui donne son nom au groupe. Moins anecdotique, "Fyr" est surtout le premier enregistrement des Scandinaves depuis le départ du guitariste Daniel Nygren qu’ils ont décidé de ne pas remplacer, David Rosberg officiant désormais seul à ce poste. Ce changement les a donc obligé à travailler différemment, à modifier leurs habitudes.
Si leur identité musicale, envoûtante et plurielle, n’en sort pas bouleversée, ces quatre morceaux arborent un fuselage légèrement plus lourd que d’ordinaire, témoin ce ‘Heavy Lord’ remuant que n’aurait pas renié le Queens Of The Stone Age époque "Songs For The Deaf". Chaque compo n’en distille pas moins une personnalité, une tessiture, une accroche qui lui sont propres. Introduit par des sonorités quasi cabalistiques, ‘Lion’s Thorn’ étire sur un substrat plombé et rugueux aux lignes de basse sismiques des atmosphères mystérieuses qu’inocule la voix puissamment habitée d’Emma Näslund. ‘Ten Of Twelve’ navigue dans les eaux obsédantes d’une pop psyché groovy. Ses huit minutes offrent à ‘Elastic Sleep’ le cadre bourgeonnant d’un retable évolutif aux multiples strates, lancinant, sombre mais toujours entêtant.
Fermé par une version live aussi étonnante que fiévreuse de ‘Somnen’ enchaîné à ‘Ferbersvan’, "Fyr" amorce-t-il une évolution durable pour Gaupa ? La suite nous le dira. Dans tous les cas, il confirme le talent et la personnalité unique d’un groupe précieux.