Originaire de Vallon-Pont-d’Arc, dans le Sud rugueux de l’Ardèche, The Burning Fingers joue son blues-rock comme un western électrique : poussière dans les interstices, silhouettes solitaires, guitares tournées vers le soleil. "Revenge" ne rejoue pas les codes, il les traverse comme un paysage familier. On pense à cette Amérique fantasmée qui passait autrefois dans les riffs de Rory Gallagher ou dans le côté cinématographique de Chris Stapleton : un décor simple, habité, sans slogan.
La formule est claire : souvent mid-tempo solide, riff épais, batterie au pas, et cette voix qui a plus vécu qu'elle n'est posée. ‘Wake Up’ et ‘Sad Road’ donnent le rythme du voyage, à la croisée de la mélancolie blues et d’une écriture roots proche des Black Crowes : émotion contenue, pas de lyrisme superflu, juste ce grain qui accroche l’oreille. Entre ces routes poussiéreuses, une respiration inattendue : ‘Day By Day’, ballade nue où la voix tremble à peine sur certaines syllabes - ce léger vacillement, loin d’une fragilité subie, donne l’impression d’un aveu retenu. Ce tremblement humain rend le titre touchant, et montre que l’album sait aussi se déplier autrement.
Le morceau-titre condense ce langage : tension linéaire, groove lourd, rien ne déborde. Certains y verront du classicisme, presque une méthode. Mais c’est précisément là que naît l’identité du groupe : l’impact vient de la droiture, pas du renversement. On entend autant un héritage sudiste qu’une modernité plus propre, proche de ce que font aujourd’hui Dirty Honey ou The Record Company - ce blues-rock accessible qui parle immédiatement.
Quand le groupe appuie davantage, comme sur ‘Locked Up’, ‘Let’s Rock!’ ou ‘Evil Woman’, la poussière devient chaleur. Les riffs ont ce côté gras mais net, à mi-chemin entre le fuzz de Rival Sons et la verticalité de Graveyard. C’est un son façonné pour la scène : on imagine très bien ces morceaux joués sans artifice, volume dans le rouge, sourire de travers. Pas d’excès, pas de débordement : "Revenge" vise le plaisir immédiat, pas le solo marathon.
Au fond, l’album ressemble à sa pochette : un paysage qu’on connaît, mais traversé avec franchise. Pas de révolution, mais une fidélité à ce que le blues-rock raconte depuis cinquante ans : la route, les regrets, la femme perdue, la revanche intérieure. On ferme "Revenge" avec l’impression d’un disque d’artisans - simple, direct, taillé pour le live. Parfois, ça suffit largement : des doigts qui brûlent, un ampli poussiéreux, et onze chansons qui sentent le soleil couchant.