Le label Cyclops continue assidûment son travail de réédition du répertoire de Twelfth Night avec un double CD de raretés, concocté avec la complicité des anciens membres du groupe. L'idée de base sur cet opus était d'y faire figurer tout d'abord en studio, puis en concert, tous les chanteurs ayant enregistré avec le groupe (deux n'en ont en fait jamais fait officiellement partie) ! Sur le plan purement discographique officiel, il n'y a eu que le regretté Geoff Mann et Andy Sears. Twelfth Night a pourtant travaillé avec pas moins de quatre autres chanteurs et a aussi connu une période en quatuor instrumental – dont il reste le désormais légendaire "Live at the target".
Parlons technique et commençons par le premier CD : Celui-ci est consacré aux enregistrements en studio et dure plus de 75 minutes. Y figurent 3 titres avec la chanteuse Electra McLeod (nous sommes alors sur la période où TN fait des cassettes autoproduites), un morceau avec Ian Lloyd Jones, trois avec Geoff Mann, un avec l'éphémère "Axe", trois avec Andy Sears et enfin quatre avec Martyn Watson qui lui succéda quelque temps en 1987, et tiendra également la basse à la place de Mitten qui avait quitté le groupe…
Fait important : aucun morceau n'a jusque là été publié en CD…. pas dans les versions proposées en tout cas.. car bien évidement, une partie des titres sera connu des amoureux du groupe. D'autres seront totalement inédits.
Il y a quand même de sacrées raretés, notamment "Art and illusion" qui illustre la période plus commerciale du groupe, chantée par Geoff Mann et non pas par Andy Sears, ce qui change pas mal…
La chanteuse Electra avait une voix relativement grave et profonde. TN a toujours mêlé des influences post-punk et new wave à son héritage progressif, ce qui le mettait vraiment à part des collègues de Marillion, Pallas et Pendragon, par exemple (IQ étant le 5ème groupe anglais de la nouvelle vague progressive du début des années 80 et l'un des plus éclectiques à l'époque). Electra convient à merveille à ce style. Les morceaux sont intéressants, non dénués de quelques maladresses, mais à la fois originaux, mélodiques et complexes, notamment "Abacus" et "Keep the apisdistra flying" deux des rares titres à dépasser largement les 6 minutes sur cet album. Voici des morceaux vraiment novateurs, et cette voie n'a guère été explorée depuis. Geoff Mann, avec son style plus proche de Bowie que de celui de Peter Gabriel (un must du groupe prog moyen à l'époque et parfois encore aujourd'hui !), reste le chanteur le plus expressif et le plus émouvant, souvent. Andy Sears est plus dramatique (et parfois un peu limite au niveau justesse en live, mais il n'est pas le seul, hélas).
Ian Lloyd-Jones chante avec un timbre clair et medium, guttural, typique du genre new wave, pas trop puissant. Le morceau "Late night TV" est un inédit simple mais bien mélodique
Par contre, le "don't make me laugh" chanté par Axe, au timbre encore une fois typiquement "new wave romantique" avec batterie synthétique et claviers futuristes est un remake d'un autre titre par Geoff Mann… aux connaisseurs de deviner d'après le seul titre !
Des autres titres avec Andy Sears, seul "Piccadilly square" est connu - mais dans une version différente -, un titre prog-cold-wave et dramatique au chant un peu trop caricatural. Les autres sont courts et caractéristiques de cet aspect plus commercial (mais pas assez pour les radios), largement présent sur l'album éponyme de 1986 sur Virgin, peut-être plus synthétique. Pas désagréable, parfois même entêtant ("I am"), sans plus. Enfin, les quatre morceaux avec Martyn Watson restent dans la même veine, une new wave très mélodique, enjouée et dynamique (meilleure que sur "XII Night", en fait) tandis que la voix rappelle à la fois Andy Sears et Holly Johnson (de Frankie Goes to Hollywood). Rien de bien alléchant pour le fan de prog pur et dur, on vous l'accorde mais rien ne vous empêche d'aimer la pop aussi ! ON aurait aimé que les claviers soient mixés plus ne avant par contre, sur ces morceaux.
Les enregistrements sont souvent très valables, parfois franchement au-dessus de la moyenne, parfois plus limités (les quatre titres avec Watson, notamment).
L'énergie du groupe, les solos de guitare incisifs et lyrique au son métallique d'Andy Revell, les claviers futuristes de Rick Battersby et la rythmique de Clive Mitten (basse, claviers, guitare classique) et de Brian Devoil (batterie) forment un ensemble immédiatement reconnaissable… Ici, point de clone de Genesis, et pas plus d'imitation d'OMD ou Ultravox… leur inspiration est perceptible mais le résultat est toujours resté personnel et varié à la fois
Le second CD est exclusivement composé de titres live, dont beaucoup ne se recoupent pas avec ceux présents en studio. Sur les 12 autres morceaux, trois sont chantés par Sears, trois par Mann (dont le rappel de son dernier concert avec TN au Marquee, manquant sur "Live and let live"), quatre par Watson, et le dernier par Mann et Watson ensemble ! Il y a quelques doublons, notamment les quatre morceaux avec Martyn Watson sur le CD 1, ici repris en répétition et augmentés d'un cinquième inédit réussi. Le son est d'ailleurs un peu moyen mais plus percutant que sur les versions studio. A part ces morceaux, les versions live sonnent différemment - voire sont réarrangées. Par exemple, "Aspidistra" est une version remaniée et rallongée, bien plus dynamique, du complexe et déjà assez long "Aspidistra" chanté par Electra McLeod sur le CD 1 – avec ici Geoff Mann.
Rappelons encore une fois, il s'agit ici uniquement d'enregistrements inédits. La qualité sonore est inégale, avouons le, mais pas mauvaise. Souvent, on a de bonnes prises sur la table de mixage, très rarement ce qui me semble être une prises d'audience. Quelques morceaux ne sont pas sans défauts, notamment sur le plan vocal. C'est honnête de ne pas avoir essayé de retoucher les pistes, mais pas forcément gratifiant sur le plan purement technique. Mais il y a de l'émotion, sans aucun doute, et notamment avec Geoff Mann, surtout lorsque l'on pense au destin tragique de cet infortuné pasteur rocker. Comme dit plus haut, on retrouve Geoff avec Martyn Watson pour une version rallongée, peut-être imparfaite mais essentielle de l'émouvant "Love song". Parmi les bons moments, notons aussi le long "Take a look" de plus de 11 minutes, un peu répétitif dans sa troisième partie, mais c'est un des morceaux les plus intéressants pour les amateurs de progressif, où le groupe arrive à reproduire l'effet des multiples parties vocales de la version studio.
"Voices in the night" est peut-être inégal au niveau des compositions présentées mais, lorsque l'on est amateur de Twelfth Night, il est vraisemblable que l'on aime aussi plus ou moins les influences new wave et pop qui constituent une partie des bases musicales du groupe, un élément qui lui a aussi permit de se démarquer. C'est pourquoi ce double album, qui est normalement vendu pour le prix d'un simple, constitue sans aucun doute un must pour les fans du groupe, mais également un complément très intéressant pour les autres, malgré les défauts mentionnés.