Il est rare que je sois vraiment attiré par une pochette d’album, c’est pourtant le cas avec celle-ci. Comme un beau tableau, elle laisse chacun à son propre monde et elle pourra se montrer inquiétante, mélancolique ou apaisante selon votre sensibilité du moment. Une pochette ne suffit pas, hélas, à faire un bon disque, mais comme le parfum d’un vin, elle crée l’ambiance et suscite des attentes.
C’est le troisième album de ce trio originaire du Maryland, qui m’est, je l’avoue humblement, totalement inconnu. Il s’est formé au début de ce millénaire autour de Ron Turner au chant et à la guitare, avec Craig Tambascio à la basse et Darren Wallach aux percussions. Il semble aussi avoir acquis une bonne réputation en live.
«Pieces» s’ouvre sur un instrumental «Dark Curtain», qui tisse une atmosphère ambiguë en phase avec l'artwork de la pochette. Il enchaîne avec «Second Guess» qui alterne sérénité et fougue, et lâche, sur des rythmes enchevêtrés, une guitare solide proche du nu-metal de Mudvayne et une basse qui martèle sérieusement. La mise en place de l’atmosphère se poursuit grâce à de bonnes parties vocales tour à tour vaporeuses ou écorchées. Une atmosphère proche d’un Tool survitaminé, référence indéniable présente tout au long de l’album. C’est «Cycle» qui suit ; la formule alternant calme et tempête est à nouveau appliquée avec talent. Le rythme puissant et lancinant vous pénètre, pourvu d’un bon groove, et d’une sonorité bien en place; très bon également. Si Tool est toujours en filigrane, les vocaux et l’ambiance créée pourraient rappeler certains anciens morceaux de Threshold. Il faut le souligner, ces gars ne sont que 3, mais proposent un son bien étoffé, même si parfois encore un peu cru et brouillon. «Binary» n’est pas mal non plus, un peu sous l’influence de Killing Joke, mais toujours avec ce bon groove qui vous donne envie de bouger et de poursuivre l’écoute. L’apogée de l’album est atteint avec «Unrest», parsemé de samples bien choisis et qui alterne, encore avec brio, guitare acoustique et mur du son, le tout en parfait crescendo.
Je crois tenir un très bon album, hélas, au milieu de l’œuvre, «11th Hour» fait l’effet d’un cheveu dans la soupe. Un instrumental pas du tout dans la veine de ce qui précède, qui tient plus de la démonstration technique que d’une composition pouvant s’intégrer à l’album. Dommage ! «Bring me down» tente de reprendre les rennes d’un cd qui dérape en offrant un rythme solide, mais n’apporte pas d’idées nouvelles. L’ambiance est cassée. Heureusement, il y a «Hope and Pray». Une intro délicate et puis un groupe qui s’emballe de nouveau avec de superbes vocaux, un solo de guitare prenant et des instruments qui jouent en symbiose pour offrir un effet "chair de poule" garanti.
L’album se termine sur deux morceaux "live" enchaînés. Le premier, toujours sous influence Tool, a le mérite de permettre d’apprécier la qualité du trio à reproduire en concert son mur du son. Hélas, le guitariste se laisse à nouveau aller à la démonstration. C’est aussi le cas du suivant, «Prelude in D minor», à la guitare acoustique, non seulement d'un intérêt limité mais qui brise définitivement la cohésion de l’album et laisse un goût très mitigé dans les oreilles...
Au final, un groupe sous influence, apparemment pas encore suffisamment sûr de lui ; étonnant après 3 albums. Il a pourtant un potentiel indéniable, tant au niveau technique, qu’au niveau des compositions, des arrangements et de sa capacité à faire passer des émotions. Une émancipation totale serait la bienvenue. A suivre !