Deux ans après l’excellent Everyone Into Position, Oceansize nous délivre son troisième album, Frames, attendu par tout le microcosme progressif et au-delà. Il faut dire qu’avec leurs deux précédents albums, les jeunes britanniques avaient réussis à imposer un style bien à eux, quelque part entre le post-rock, le punk, le métal progressif et le rock atmosphérique. Les critiques (justifiées) de l’époque s’apparentaient à de véritables panégyriques, et nous étions impatients de pouvoir écouter l’orientation d’un troisième album qui s’avère souvent comme une confirmation ou un tournant dans la progression d’un groupe.
Avec une première écoute, on se dit qu'Oceansize a mûri. Pour ceux qui connaissent le groupe depuis leur premier album, Effloresce, l’évolution est même constante. Si ce dernier proposait une débauche d’idées et d’inspirations avec comme principale lacune le manque de construction cohérente, le deuxième album montrait un visage plus structuré mais avec la même « folie » presque alternative du combo. Frames s’affirme dans l’homogénéité et la tempérance. Les envolées progressives se font plus rares et les compositions sont plus linéaires. Ce que Frames perd en « jeunesse » il le gagne en profondeur, et le côté atmosphérique amplifié en est la meilleure preuve.
Oceansize construit beaucoup de ses morceaux de la même manière… Une intro assez simple qui expose le thème mélodique immédiatement. La batterie (encore une fois omniprésente) et la voix entrent lentement dans la partie et la mélodie est exploitée rythmiquement et émotionnellement jusqu'à la moelle. Le morceau atteint son paroxysme aux deux tiers de la chanson pour venir mourir presque comme elle a commencé. Le parfait exemple de cette construction est le premier titre de Frames, « Commemorative T-Shirt ». En ce sens, Oceansize se rapproche musicalement de Porcupine Tree. Le travail à deux guitares, véritable marque de fabrique du groupe, est toujours aussi impressionnant, comme en atteste le très réussi « Unfamiliar ».
Ce qui est jouissif dans la musique des anglais est le cheminement pour nous amener vers cette intensité au moment de l’explosion du morceau. Le titre « Trail Of Fire » - peut-être le meilleur de l’album - illustre parfaitement l’idée. Ceux d’entre vous qui connaissent le sublime morceau « Orient Blue » d’Al Di Meola, remarqueront que les premiers accords sont quasiment communs avec « Trail Of Fire ».
Les morceaux « Savant » et « Only Twin » pourraient être des titres jumeaux tant l’émotion qu’ils expriment est palpable. Oceansize use de tous les artifices mélodiques pour cela avec de magnifiques violons, trémolos à la guitare, voix éthérées et ambiances atmosphériques…Mike Vennart et Steve Durose s’affirment, album après album, comme étant d’excellents chanteurs. « Only Twin » aurait pu être écrit par un Steven Wilson très en verve. Le refrain, qui jaillit lors d’une véritable explosion en venant culminer au sommet d’une montée en émotion, n’aurait pas dépareillé non plus sur un disque de Muse. Tout simplement splendide et à vous coller la chair de poule.
Contrairement aux deux précédents albums, il n’y a qu’un seul morceau vraiment heavy et progressif, dans la veine de «A Homage To A Shame » sur Everyone Into Position. « Sleeping Dogs and Dead Lions » résume bien le morceau rock estampillé Oceansize avec ses cassures rythmiques, ses grosses saturations, ses bruitages à la guitare et ses voix déchirantes. Ce morceau est « introduit » par un titre instrumental de plus de 10 minutes, « An Old Friend of The Christies » qui, sans être mauvais, n’apporte pas grand chose à l’ensemble. Peut- être le seul léger faux pas de l’album (avec l'artwork de la pochette). Enfin, « The Frame » vient clôturer l’album d’une manière plus calme avec un style presque pop et, là encore, de magnifiques violons.
Frames était attendu et ne déçoit pas. Oceansize a franchi un cap, celui de canaliser une fougue et une inspiration pour proposer des morceaux moins progressifs et plus atmosphériques dans lesquels l’émotion est mise en avant. Avec trois albums de haut niveau, c’est pour l’instant un sans faute pour Oceansize. En espérant que l’acmé du groupe ne s’arrête pas avec Frames.