Paul Sabu, 47 ans au compteur, et quelques dizaines d'années passées au service du rock nous revient plus frais que jamais, avec un "Strange Messiah" bien musclé.
Le message est clair, la génération Tokyo-Hotel n'a qu'à bien se tenir, les vétérans veillent au grain... Les cinéphiles très avertis connaissent peut-être papa Sabu, acteur américain du début vingtième. Et puisque les artistes ne font rien à moitié, les amateurs de Hard-Rock auront sûrement déjà entendu parler du fiston, plutôt porté sur les cheveux longs et la six-cordes, et dont les précédents essais ont convaincus pas mal de critiques à ce jour.
Loin d'être un exercice de style, la musique proposée par ce nouvel opus a néanmoins tous les atouts pour plaire à son public. Compositions et production ne dérogent pas aux règles en vigueur : structures basiques, solis courts et efficaces, mélodies travaillées, bref, du bon boulot de routinier... Fort heureusement, quelques entorses au règlement sauvent l'album de la noyade et lui évitent de replonger dans un océan de banalité. En évitant de faire du pied au glam et en refusant d'intégrer les 30% de ballades règlementaires, Paul Sabu a choisi une orientation plus sombre, à des années lumières des trop nombreuses références estampillées "eighties".
Le titre éponyme, qui ouvre le bal, pose la première pierre d'un édifice qui se veut agressif et piquant sans pour autant sacrifier la mélodie, car c'est bien de Hard-Rock qu'il s'agit. Le talent et l'experience des musiciens qui entourent l'artiste sont indéniables, mais c'est surtout la voix de Sabu qui fait la différence avec ce que nous avons l'habitude d'entendre. Rocailleuse, très typée US, forte en coffre à la manière de Jorn Lande ou Hartmann, cette voix porte chacune des compos et étonne par sa puissance et sa justesse. Paradoxalement ce talent peut se révéler comique quand Sabu en use et en abuse en se vautrant dans des cris inutiles ("Headbangers", "Dangerous Behavior"), mais il saît aussi être d'une redoutable efficacité dans des titres comme "Blow By Blow" teinté AC/DC, ou "Rock Your World" qui rappelle les saveurs de ZZ Top...
Certains titres manquent de saveur ou sont trop conventionnels pour accrocher ("Fighting To Die"), tandis que d'autres ravissent nos petites oreilles: l'utilisation parcimonieuse de la double pédale à la fin de "Headbangers", le gros son de guitare de "Piece Of My Heart", et l'orientation FM de "Hey Look" feront naître un sourire de satisfaction sur la bouche des futurs auditeurs. Le clavier se fait très rare, ou très discret, au point de ne le remarquer que dans "Jack Of All Trades", et les choeurs sont loin d'être légion dans cet album qui, somme-toute, ne dégouline pas d'artifices. A noter également la rythmique lente et la noirceur de "Ashes Of Wrong", titre atmosphérique qui trouve difficilement sa place au sein des autres compos.
Finalement Sabu s'en sort bien, une fois de plus, et aura réussi à faire un bon compromis entre FM et gros rock qui tache. C'est nerveux et plutôt mélodique mais un peu court cependant et sans réelles surprises. Un album de plus (diront les mauvaises langues), agréable à écouter, mais à moins d'être fan, curieux ou collectionneur, pas réellement indispensable.