D’après la biographie officielle, Qwaarn est la fois le nom d’un groupe canadien ainsi que le nom du personnage servant de support aux histoires musicales composées par le premier. On découvre également que le line-up du groupe, bien qu’organisé autour d’un noyau dur (François Bernatchez, le batteur fondateur, Martin Bleau à la guitare et Daniel Bernatchez aux claviers), n’est pas figé, ce qui assure une certaine évolutivité au groupe, lequel prend ainsi davantage la forme d’un « projet musical ».
Depuis la création en 2004, « Aberrations » est le second album du groupe. Largement teinté de couleurs progressives et pop aux forts accents seventies, Qwaarn définit sa musique comme « pop-gressive ». En effet, l’utilisation d’instruments vintages, alliée à des influences évidentes telles que les Beatles, Genesis ou Pink Floyd est déclinée de façon relativement accessible pour l’auditeur non adepte du genre progressif.
L’écoute de la dizaine de titres de l’album révèle une musique assez inégale. Cependant, Qwaarn arrive à créer un bon nombre d’arrangements et ambiances intéressants. Le contenu musical tient bien la route et on trouve plusieurs bonnes idées musicales qui attirent l’attention tout au long de l’écoute, et ceci à l’inverse du chant, lequel est « en dessous » du reste et tire le tout un peu vers le bas. Ce chant donne parfois même la mauvaise impression d’un anglais chanté par un français… Dommage, car Didier Berthuit sait tout de même se rendre expressif, comme dans « It Will be Fine » par exemple, et des efforts ont visiblement été faits sur plusieurs parties d’harmonies vocales.
En avant pour un rapide tour d’horizon de l’album. « Privilège » ouvre le bal avec une longue intro faite par un solo de guitare sur une section rythmique en mid-tempo et des nappes de claviers faisant une transition vers une partie aux accents symphoniques, cela juste avant que le chant, mélangeant passages lyriques et débit souvent haché aux intonations parfois malvenues, ne fasse une entrée plutôt déconcertante et vienne gâcher quelque peu le tout.
« Meeting Kim » démarre lentement sur une ambiance mélancolique tenue par une guitare jouée à la façon d'une delay et des violons, avant de dériver vers une ambiance plus électrique et groove. Mais là aussi, le débit et le phrasé du chant laissent à certains moments une mauvaise impression.
Après une intro en arpèges, « Dream in Am » aborde des couleurs orientales intéressantes soutenues par une guitare classique bien placée. En plein milieu, le morceau change totalement de ton pour se transformer en une sorte de balade piano/chant. Ce dernier se révèle d’ailleurs plus expressif sur cette deuxième partie alors qu’il était presque nasillard sur la première. Le morceau se termine sur un solo de guitare parfumé à la Gilmour.
« Mr Lotto » prolonge quelque peu le voyage oriental du côté du japon avant de dériver sur un enchaînement de passages quelque peu décousus où le chant a du mal à faire le lien.
On retiendra de « Did You Say Salmon ? », les harmonies vocales typées Beatles qui font leur effet. Malgré sa courte durée, « The High Muckity-Mucks » nous décrasse un peu les oreilles avec un bon petit riff enchaînant des breaks intéressants. Le chant au débit parlé fait tout de même son petit effet. « Talking to Flowers » ouvre ensuite sur des couches de claviers allant chercher dans les cordes aiguës avant de varier sur une partie faisant penser à du Madness : on retiendra de ce titre l’intermède du milieu où le chant se fait plus expressif, et c'est dans ce type de passages qu'il se révèle être le plus efficace. L’un des meilleurs morceaux de l’album car il présente un condensé des différents styles abordés par le groupe.
« It Will be Fine » est une jolie ballade où le chant s’accompagne d’une simple guitare acoustique (rejointe par quelques claviers et percussions). La place est laissée à l’émotion qui passe assez bien. Là aussi, le morceau évolue vers quelque chose de plus électrique sur le final. Puis, on retiendra de « Fore » son passage stylé opéra et orchestre symphonique.
Le morceau éponyme de l’album clôture la galette en alternant les passages punchy et les envolées symphoniques ... et un nouveau bémol pour le chantsur cette dernière plage.
Au final, cet album laisse un sentiment mitigé. D’un côté, il y a de bonnes couleurs musicales, une alternance intéressante de styles ainsi qu’un dosage intéressant de structures progressives et d’accents popisants qui rendent la sauce plus accessible. D’un autre côté, le défaut principal reste le chant, assez inégal et parfois décevant. Alors, si le chant ne constitue pas un maillon essentiel pour vous dans la musique, et si les couleurs seventies vous font vibrer, jetez-y une oreille …