Il était une fois ... dans le Nord, une association de musique progressive (les Finlandais de Colossus) qui eurent l’idée de monter un projet un peu fou : il s’agissait de proposer à des groupes prog de créer des épics (vous savez, ces morceaux que les détracteurs disent “à rallonge”, et qui atteignent ou dépassent les 15 , voire 20 minutes), sur le thème des films de Sergio Leone. Ainsi est née, avec l’aide du label Musea, la série des “Spaghetti Epics”, en trois tomes. Pour corser la difficulté, les compositeurs devaient rester dans le style des 70’s, sans ajout de samples ou autres percussions électroniques, et n’utiliser que des instruments vintage - minimoog et autres mellotrons bienvenus - et si possible de glisser des réminiscences classico-baroques dans les créations. Respect donc aux groupes qui se sont pliés à l’exercice, le cahier des charges n’étant pas des plus légers !
Pour ce deuxième volet, basé sur le script du “Bon, la Brute et le Truand”, on trouve donc dans les différents rôles : le groupe de Nicola Randone (Italie : “le Bon”), la Voce del Vento (une émanation du groupe britannique the Tangent, puisqu’on retrouve le duo Guy Manning - Andy Tillison pour “la Brute”) et les Italiens de Tilion (“le Truand”).
Nicola Randone est celui des trois groupes qui colle le plus à la musique originale d’Ennio Morricone ( le thème que nous connaissons tous est intégré à la partition). Si le motif principal n’est pas très heureux ( tendance carnaval espagnol ), les allusions musicales se multiplient en direction des standards des années 70 : quelques phrasés type Banks aux claviers, des flashes de Tubular Bells par exemple. La coloration italienne est présente avec une fréquente utilisation d’un sax comme instrument à vent.
La Voce del Vento rappelle le savoir faire de Manning et Tillison en matière de morceaux longs. C’est impeccablement articulé, avec des claviers variés et indéniablement 70’s (on retrouve même des sonorités du Keith Emerson de “The Nice”). L’épic le plus intéressant de cet album, même si je reste personnellement réservé sur la prestation vocale de Guy Manning, manquant cruellement de relief.
Tilion est probablement le plus original, mais aussi le moins systématiquement mélodique, privilégiant les ambiances aux constructions purement musicales. Du coup, c’est plus personnel, mais d’approche moins aisée puisque moins homogène.
Point commun des trois prestations : le cahier des charges est rempli, et plutôt bien , puisque les morceaux (des créations, rappelons-le) sont tous intéressants et tiennent la distance, ce qui est la difficulté première dans les “epics”.
Je suis plus réservé sur la philosophie même du projet : 1) l’album est nécessairement hétérogène, 2) entrer dans un morceau épique n’est pas facile quand il y en a un dans un album d’un seul groupe, alors plusieurs epics de plusieurs groupes, c’est assez ardu, le fil conducteur est trop ténu pour maintenir une cohérence ... Ce n’est donc pas une œuvre que l’on a entre les mains mais bien un collage de talents variés. L’exercice n’est pas inintéressant, mais s’avère tout de même très artificiel et donc limité d’un point de vue émotionnel (ce qui pénalise la note finale malgré l’incontestable talent des participants).