Deux ans après un Pornograffitti vendu à plusieurs millions d’exemplaires, grâce notamment au hit intersidéral « More Than Words », les bostoniens d’Extreme reviennent avec leur troisième album : III Sides To Every Story. Peu de choses ont changé dans le groupe depuis deux ans et le line-up reste le même. La musique, cependant, a définitivement basculé dans la modernité avec ce concept-album délaissant le glam.
La paire Gary Cherone-Nuno Bettencourt qui se charge de la totalité de la composition de l’album nous offre un album à multiples facettes et engagé sur le plan des textes. En effet, trois parties composent ce "III Sides To Every Story". Les six premières chansons sont réunies sous le titre « Yours », les trois suivantes dans le chapitre « Mine » et les trois dernières forment « The Truth ». Les trois faces de chaque histoire sont donc illustrées dans ce concept-album fortement inspiré de l'Ecclésiaste, dont les textes s’entremêlent dans plusieurs chansons.
Le thème « Yours » regroupe des chansons majoritairement rock et puissantes avec un gros zest de fusion comme sait le faire Extreme. Sont passés en revue la guerre (« Warhead »), la paix entre les cultures et les races (« Rest In Peace », « Color Me Blind »), la perversité de certaines démarches politiques (« Politicalamity ») ainsi qu’un hommage à Martin Luther King Jr (« Peacemaker Die »).
Le chapitre suivant, « Mine », proposent des morceaux plus orchestrés et plus intimes. Cherchant une réponse aux drames et tragédies de la vie, ce chapitre expose la recherche spirituelle qui permet à l’homme de se raccrocher, se consoler ou espérer. Dieu est presque interpellé et sommé de donner des réponses avec le morceau « God Isn’t Dead ? », intense et poignant comme une prière.
Mais la vérité semble être toute autre comme nous l’annonce la troisième partie « The Truth : Everything Under The Sun ». La seule vérité qui semble indiscutable, non sujette aux croyances et superstitions, est la vie, la nature et cet univers dans lequel nous évoluons et agissons. Et la phrase « For one that dies, another’s born » dit tout : la vie remplace la mort mais en lui restant fidèle, comme une plante renaît sur une terre déjà fertile.
On aura compris que ces histoires ne sont que des existences humaines. Chacun de nous construisant sa propre histoire et ses propres questionnements, dirigés vers les autres (« Yours »), recroquevillés sur soi (« Mine ») et, quoiqu’il en soit, recherchant une certaine vérité (« The Truth »). Au delà du message un peu naïf et cliché genre « aimons-nous les uns les autres », cet album dresse un tableau lucide et assez pessimiste de l’humanité, mais elle-même capable de belles choses.
Même sans s’intéresser au contenu des textes, cet album est musicalement et rythmiquement une réussite majeure. L’ombre de Queen est manifeste (notamment l‘épique « Who Care ? » : orchestration signée Nuno et sublime montée en émotion). Sans être progressives, les musiques sont variées et denses, souvent agrémentées de cuivres, violons, bruitages (ion d’un extrait de discours de M.L.King ) et de magnifiques parties instrumentales.
Gary Cherone n’a jamais aussi bien chanté dans ce style qui lui sied à merveille. Les chœurs sont précis et apportent réellement aux mélodies. Et que dire du fils spirituel d’Eddie Van Halen, Nuno Bettencourt, si ce n’est qu’il est d’une efficacité redoutable autant harmoniquement que rythmiquement. Les soli du virtuose portugais sont toujours d’une créativité insolente (« Our Father », « Color Me Blind », « Who Cares ? », écoutez la partie instrumentale de « Cupid’s Dead » : rythmiquement c’est un casse tête). Seul Paul Geary exécute le minimum syndical, imprimant un tempo linéaire et une touche trop neutre. On imagine la tuerie si Mike Mangini s'était chargé des fûts...
Après un Pornograffitti éclectique mais assez orienté glam-FM-fusion, Extreme passe à la vitesse supérieure avec le très ambitieux "III Sides To Every Story". Et le résultat est sublime. Ce disque est un classique du hard-rock-fusion qui n’a pas pris une ride (à part peut-être les claviers un peu vieillots de « Seven Sundays »). Si vous vous êtes arrêtés à « More Than Words » pour juger Extreme, n’hésitez pas une seconde de plus et laissez-vous enthousiasmer par cet album qui touche au génie. Vivement la reformation.