"So long suckers" est le 3ème véritable album des finlandais de Reverend Bizarre ; véritable car le groupe, qui a fait paraître son premier album en 2002, a sorti divers Ep et singles entre chaque disque sur un rythme assez soutenu. Et comme son nom l’indique, c’est aussi le dernier album du groupe avant un split annoncé, celui-ci estimant avoir tout dit et ne pouvant que se répéter s'il continuait sa carrière.
En à peine cinq ans, Reverend Bizarre a réussi le tour de force de se faire un nom et une place dans les groupes cultes du genre musical qu’il pratique, à savoir le doom métal. Culte car le groupe, sans trop se vendre et faire parler de lui dans les médias métalliques, s’est imposé comme un des ténors du genre, et cela dès son premier album, "In the rectory of the Reverend Bizarre".
Il faut savoir que la formation s’est fondée en 1994 avec pour but avoué de faire revenir le doom à ses origines, jamais loin d’un Black Sabbath du début, proche de Pentagram ou de Saint Vitus, le tout sur très peu d’albums, le groupe ayant toujours prévu un split rapide. Et le résultat fut au-delà des espérances grâce à des œuvres dont la pureté originelle du doom était palpable sans pour autant sonner comme un clone de plus de Sabbath ou de Cathedral. On ressent en effet réellement une âme dans la musique de Reverend Bizarre, une âme d’une noirceur rare à l’image des pochettes splendides. Il faudra tout de même un certain investissement pour bien rentrer dans leur univers, tant l’approche peut rebuter le novice, notamment en raison de la durée des morceaux.
Le dernier album de reverend bizarre est donc un double de sept titres pour 2h10 de musique, offrant le meilleur de ce qu’il sait faire.
Le premier disque ne contient que trois morceaux dont deux de plus de 25 minutes dans la plus grande tradition doom : "The used dark forces – Teutonic witch" et "Sorrow", d’une rare lourdeur, font rentrer l’auditeur de plein pied dans l’univers du groupe, le tout servi par un Albert Witchfinder au chant très incantatoire et des riffs pachydermiques. De ces deux titres ressort surtout "Sorrow", très funèbre, avec une basse énorme bien dans l’esprit de celle de Geezer Butler de Black Sabbath. Ce titre est un voyage à lui seul aux frontières de la mort et de la vie du groupe. Le disque se termine par un "Funeral Summer" déjà présent sur une compilation de 2004 et qui apparaît ici dans une nouvelle version, titre moins imparable que les deux autres mais tout aussi lourd et inquiétant.
Le deuxième disque est plus abordable avec cette fois un seul long morceau. Le fond reste le même, avec un aspect Sabbath plus marqué et une certaine variété entre les titres, permettant de respirer un peu.
Car après un "One last time" très pesant et prenant, on trouve un titre instrumental de 4 minutes, "Kundali Arisen", basé sur une ligne de basse énorme et un aspect presque psychédélique, qui permet de souffler avant un final dantesque composé de deux titres parmi les meilleurs que le groupe ait composés.
Ces deux compositions, "Caesar forever" et "Anywhere out of this world", se présentent comme un voyage final pour le groupe, une plongée vers le néant, "Caesar" étant une première étape en forme de défi relevé face à une fin inévitable, avec des chœurs à donner froid dans le dos, puis un "Anywhere" aux allures d’oraison funèbre qui débute par un long passage à la basse, presque apaisant, avant un démarrage assez rapide pour ensuite retomber dans la lourdeur la plus absolue, le tout porté encore par un chant très inspiré, comme sorti du plus bas des ténèbres.
Ce titre clôt l’album et la carrière du groupe de la plus belle manière. Reverend Bizarre tire donc sa révérence par un disque appelé à faire date dans l’histoire du doom au côté des plus grands albums du genre. Le Reverend n’est plus, il nous laisse sa musique en héritage et laisse un vide qu’il sera certainement difficile de combler…