Alors que le guitariste moyen a l'oreille rivée sur des horizons occidentaux et néammoins anglo-saxons en quête du nouveau messie six-cordien, la lumière nous vient d'orient avec une surprise de taille issue du pays du soleil levant. Une fourberie ninja certes, mais ô combien réjouissante.
Ancien élève de Berklee, Daisuke Kunita se pose donc en fine lame (de katana) de la Stratocaster cascadeuse en apesanteur n'hésitant pas à piocher chez les plus grands de la gratte sus citée de saines influences : chez Stevie Ray Vaughan les incandescences saturées et urgentes; chez Hendrix l'intensité incendiaire de l'émotion exacerbée.
Rien que ça oui.
Le son du jeune loup enfonce le clou : les clartés du son hors-phase sont habilement associées à une distorsion délicieusement crunchy.
Ajoutons à cela des progressions d'accords et des atmosphères Holdsworthiennes pour donner une idée plus précise du talent du bonhomme.
Point de rock ici evidemment : toutes ces influences habilement digérées mettent au jour un jazz-fusion funky en diable à la fois subtil et rageur qui se nourri de rythmiques juteuses et groovy. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un tympan gourmand sur "Fragments" et "Sharp" - qui n'auraient pas dépareillé sur un "Electric Ladyland" - qui enchaînent des intros sauvages avec des cassures de tempo typiquement jazz-rock et/ou progressives... le tout en moins de 30 secondes.
Un mot un seul vient à l'esprit de l'auditeur: époustouflant.
La section basse-batterie n'est pas en reste : tout entière au service du maître de cérémonie, elle n'oublie pas de se faire remarquer en appuyant un groove jouissif et de bon aloi (ce qui ne gâte rien) dès qu'elle a la parole.
Les soli de Kunita ne sont -presque- jamais bavards, toujours mélodiques et surtout n'oublient pas ce que doit être le nexus fondamental de la musique: le feeling.
De l'esbrouffe, il y en a un peu: forcément ajouterai-je. Quel guitariste n'a pas pris égoïstement plaisir à laisser ses doigts courir librement sur ses frettes? Aucun probablement. Là où cette poudre aux yeux (aux oreilles?) est la bienvenue, voire même encouragée, c'est quand elle est communicative à un point tel qu'elle nous donne des fourmis dans les doigts. Un guitariste qui donne envie de jouer de guitare, ça vous embête vous? Pas moi, c'est sûr.
Que dire d'autre sinon que cet album qui sait ne pas être prétentieux dégage un belle joie de jouer et de partager et que rien, absolument rien, dans ce chaleureux brûlot jazzoïde n'est à jeter tant il sait jongler avec des atmosphères et des influences a priori inconciliables: jazz, jungle/electro, blues-rock, et envolées progressives. Que demander de plus à un artiste sachant traverser sans encombre ni passeport les frontières stylistiques? Rien... Ah si.. Un autre album. Vite !