L’histoire du groupe "Soft Machine" ne semble pas des plus simples et brèves. Après une multitude de changements de line-up, "Soft Machine Legacy" poursuit encore aujourd’hui l’histoire de ce groupe anglais de fusion/jazz créé au début des années 70. Le quartet actuel se compose de Hugh Hopper à la basse, John Marshall à la batterie, John Ethedridge à la guitare et et Théo Travis aux instruments à vent (saxophones ténor et soprano, flûte).
Dans un répertoire instrumental jazz/fusion/prog, l’écoute de leur album, intitulé "Steam" révèle un matériel inégal et plutôt déséquilibré. Inégal et déséquilibré car les morceaux peuvent être regroupés en différentes catégories qui toucheront plus ou moins bien les oreilles de l’auditeur moyennement exercé aux sonorités jazz (mais pas non averti). D’un côté, certains morceaux fonctionnent vraiment bien dans ce registre très particulier : des titres bien construits autour d’une section rythmique assurant des tournantes très groovy, brodées de thèmes accrocheurs tenus par les saxophones et appuyés par quelques solos de guitare (dans des registres plus ou moins électriques). D’un autre côté, certains titres ou ambiances s’aventurent un peu trop dans ce que le jazz offre parfois de plus hermétique, à savoir une musique sans réelle accroche : ces passages prennent d’ailleurs souvent des accents de session d’improvisation totale où le jeu donne l’impression que tous les musiciens jouent ensemble, mais sans s’écouter, chacun de son côté. C’est à se demander si ce ne sont pas des enregistrements de sessions entières d’accordage des instruments… Sans réel intérêt !
Les titres correspondant à la partie où l’auditeur trouvera des parties accrocheuses sont "Footloose" et "The Steamer" pour la succession des thèmes au sax et à la guitare, "FireFly" pour ses très bons passages à la flûte et son petit solo de batterie. "Anything to Anywhere", clôture l’album : c’est peut-être le meilleur titre car il mélange au mieux les colorations jazz à des rythmiques plus rock.
Tous les autres morceaux sont donc, par soustraction, ceux qui sont à rattacher à la face ‘trop jazz’ de cet album… "Chloe and the Pirates" ne présente pas de réelle accroche, "The Last Day" ne pourra plaire qu’aux puristes du jazz car ce n’est qu’une suite de bruits produits par les différents instruments où il faudra attendre la dernière minute pour enfin capter un semblant de mélodie. "So English" et "Dave Acto" sont du même acabit, la mélodie finale en moins. "The Big Man" fait la part belle à des sonorités bizarres et dissonantes du sax sur fond de riff rock répétitif et hypnotique. "In The Back Room" mélange le côté improvisation à une structure basée sur un thème assez accrocheur ouvrant et terminant le morceau.
Au final, bien que les musiciens soient sûrement très talentueux - ce que l’on perçoit facilement au travers des titres qui fonctionnent le mieux avec d’excellentes tournantes basse/batterie - la plupart des plages sont marquées par le spectre du pur jazz, non accessible à tous… Le déséquilibre produit avec les titres plus accessibles pénalise l’attrait de cet album ce qui est dommage, car certains morceaux accrochent très bien en mélangeant les ambiances électriques aux instruments à vent… Quant au reste, je concède un peu d'intérêt en fond sonore, pour travailler sans risque d’être happé par la musique, ou bien pour faire la sieste.