Lors de ce mois d’octobre 1998, John Petrucci quitte le studio Millbrook, lieu de l’enregistrement de la deuxième version du super-groupe Liquid Tension Experiment, pour aller rejoindre sa femme pour l’accouchement de son enfant. Pendant ce temps, Mike Portnoy, Tony Levin et Jordan Rudess, orphelins, décident de profiter du studio loué pour jammer ensemble. La petite histoire raconte que les enregistrements originaux de cette session ont été perdus pendant le mixage, mais « grâce » à Mike, une version brute de chez brute à été conservée sur son 2 pistes. Ouf et merci le 2 pistes. Car il aurait été vraiment fort dommage de se passer de ce Spontaneous Combustion, presque dix ans après les faits.
L’absence de guitare ainsi que les conditions d’enregistrement de cette session laissent planer une certaine atmosphère de curiosité et d’interrogation quelques instants avant d’écouter le résultat. Mais connaissant la qualité des compositions du second volet de Liquid Tension Experiment, on peut légitimement s’attendre à un résultat intéressant. Nous n’allons pas être déçus.
Le premier morceau, « Chris & Kevin's Bogus Journey” est le type de morceau qui commence très mal un album car l’intérêt de ce titre est quasiment nul. Une ligne de basse récurrente de Tony Levin, un Mike Portnoy qui « s’amuse » à la batterie et un Jordan Ruddess peu inspiré, plaçant toutes sortes de bruitages, plus insignifiants les uns que les autres. On comprend aussi pourquoi le son de l’ensemble, mais surtout de la batterie, est aussi mauvais quand on connaît la genèse de l’enregistrement. Maudit DAT !
« Hot Rod », réveille un peu l’attention avec ce clavier rapide et cette démonstration de caisse-claire. Portnoy nous ressert ses coups de cymbale chinoise, sa marque de fabrique, mais on a du mal à saisir la finalité de ce titre : peu ou pas de logique mélodique comme dans certains morceaux très expérimentaux de LTE2 (dont certains passages comme « Chewbacca » naîtrons de cette session en trio) .
« Hawiian Funk » commence sur un bon rythme de batterie mais la basse reste assez floue. Le clavier entre en fin de morceau en distribuant quelques notes sans harmonie ; l’ensemble devient une cacophonie sans nom. Maudit DAT.
Un tiers de l’album écoulé et rien… Restons concentré, la mélodie va arriver et le plaisir d’écoute aussi ! On se motive comme on peut…
Le morceau « Cappuccino » s’apparente à un patchwork de sons dans lequel chacun fait son bazar de son côté sans se soucier des autres musiciens. Conseil amical : ne pas trop abuser de ce cappuccino là, on risquerait de friser l’aigreur d’estomac et il nous reste encore la moitié de l’album à ingurgiter.
« Jazz Odyssey » nous laisse, quelques secondes, optimiste car enfin une ligne mélodique émerge du piano de Ruddess. C’est très jazz et Tony Levin s‘adapte parfaitement à l’esprit du morceau avec une basse légère et discrète. Mais le morceau se voit gâché par Portnoy et ses changements de rythme inappropriés. Cruelle faute de goût ! Le son de sa batterie recouvre le peu de matière exploitable. Ce batteur est assez bon pour le rock (ce n’est pas Neil Peart non plus) mais il n’a que très peu de feeling pour le jazz et le jeu nuancé.
Le titre suivant, « Fire Dance », se trouve de la même manière pollué par la batterie.
« The Rubberband Man » est un demi « bon » morceau, car la cohérence est pour la première fois de rigueur entre les musiciens. On tient enfin notre première séquence écoutable de l’album. Quand le groupe joue ensemble (« Holes ») on est déjà satisfait même s’il n’y a pas de mélodie derrière, on ne va pas faire la fine bouche surtout que la fin de l’album pointe son nez…
« Tony’s Nightmare » est un court titre de basse assez correct, d’autant plus agréable qu’il n’y a pas de batterie. A ce stade, cet album n’est pas loin d’être le « Listener’s Nightmare ». Les trois derniers morceaux restent dans cet esprit « jam session » assez indigeste, que se soit de l’expérimentation (« Boum Boum » et « Disneyland Symphony ») ou du jazz-fusion (« Return of The Rubberband Man ») .
Maudit DAT, car à ce stade de l’écoute c’est la seule chose qui nous vient à l’esprit que de maudire ce fichu DAT 2-pistes retrouvé par Mike Portnoy et qui aurait dû rester égaré pour l’éternité entière. Dire que si la femme de John Petrucci avait accouché quelques jours plus tard, cet album n’aurait jamais vu le jour ! L’écoute de cet ersatz d’album nous procure deux types de sensations. La première est un profond ennui, un terrible ennui. La deuxième est une amertume et une certaine colère devant la médiocre qualité venant d’artistes capables de belles choses.
Alors ce disque pourrait être destiné aux aficionados de Portnoy, et encore… Les amateurs de musique expérimentale peuvent s’y retrouver… mieux vaut écouter un Zappa ou un King Crimson. Les guitaristes, quant à eux, auraient pu profiter de cette ossature instrumentale pour travailler leur instrument et improviser. N’achetez pas l’album pour ça non plus car j’ai tenté l’expérience et celle-ci s’est soldé par un échec : l’absence quasi-permanente de mélodie rend impossible toute tentative d’improvisation.
Ce type d’enregistrement ne devrait jamais être proposé au grand public et ne jamais sortir du studio pour rester un support strictement réservé à la composition de morceaux « finis ».
Il n’y a plus qu’à espérer une seule chose, que John Petrucci ne laisse plus jamais ces trois farceurs seuls dans un studio.